SQL, Python, Power BI : compétences clés ou secondaires d’un Business Analyst?

De nombreuses entreprises recrutant des Business Analysts (BAs) en systèmes d’information ont tendance à privilégier les compétences techniques (maîtrise de SQL, d’outils BI, etc.) dans leurs critères. Or, le cœur du métier de BA – souvent assimilé à l’AMOA (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) – réside dans l’analyse fonctionnelle, la compréhension du besoin métier et la communication avec les parties prenantes. Faut-il recruter un BA avant tout sur ses compétences techniques, ou accorder plus d’importance à ses capacités analytiques et fonctionnelles ? Une recherche approfondie met en lumière que si les compétences “hard” sont importantes, ce sont bien les compétences fonctionnelles et analytiques qui conditionnent la réussite des projets.

Je vous propose d’examiner ici des statistiques, études de cas et autres tendances afin d’appuyer ce constat, puis de comparer les attentes des recruteurs avec les besoins réels du métier.

Compétences les plus demandées chez les Business Analysts : les techniques en tête ?

Les offres d’emploi de Business Analyst reflètent souvent une demande marquée pour des compétences techniques spécifiques.

Selon l’IIBA, en 2021 les compétences les plus prisées chez les analystes d’affaires portaient sur les logiciels d’analyse statistique, la programmation et la conception de bases de données (Top skills a business analysis professional should have | IIBA®).

De même, un candidat parcourant le marché constatera qu’un nombre important d’annonces exigent des compétences techniques précises (SQL, Python, etc.) – au point que certains recruteurs considèrent à tort qu’« on ne réussira jamais comme BA sans savoir coder » (Why Do We See Technical Skills in Business Analyst Jobs?).

Cette focalisation sur la technique transparaît dans les fiches de poste, même si l’on trouve bien sûr des rôles de BA plus fonctionnels.

La réalité du marché : un équilibre nécessaire

Paradoxalement, une analyse de milliers d’offres a montré que seulement 27 % des annonces de Business Analyst incluent SQL comme exigence (Top 20 SQL Business Analyst Interview Questions (Updated for 2025)).

Autrement dit, dans près de trois cas sur quatre, la maîtrise de SQL n’est pas explicitement requise. Cela suggère qu’au-delà du vernis technique souvent mis en avant, de nombreuses entreprises reconnaissent implicitement que d’autres compétences priment. En effet, les compétences “soft” (communication, pensée critique, facilitation, etc.) sont difficiles à évaluer sur CV et sont donc moins souvent listées, mais n’en demeurent pas moins essentielles.

L’IIBA souligne d’ailleurs que ces soft skills sont « tout aussi importantes pour le succès d’un professionnel de l’analyse métier que les compétences techniques », même si nombre d’entre elles ne figurent pas noir sur blanc dans les offres (Top skills a business analysis professional should have | IIBA®).

En pratique, les employeurs valorisent ces aptitudes transversales qui permettent au BA de collaborer efficacement et de s’adapter à toute situation.

Compétences fonctionnelles vs. techniques : impact sur le succès des projets

Les compétences fonctionnelles d’un Business Analyst – c’est-à-dire sa capacité à comprendre le métier, à analyser les besoins et à formuler des exigences claires – ont une incidence directe sur la réussite des projets. De multiples études soulignent qu’une mauvaise définition des besoins peut condamner un projet, quels que soient les outils ou technologies utilisés ensuite.

Le Project Management Institute rapporte par exemple que 37 % des organisations identifient des exigences imprécises comme la première cause d’échec des projets (I still don’t have time to manage requirements: My project is later than ever). Plus frappant encore, 51 % du budget des projets est gaspillé en moyenne à cause d’une mauvaise gestion des exigences, et 47 % des objectifs de projets non atteints s’expliquent par ce même défaut (I still don’t have time to manage requirements: My project is later than ever).

Autrement dit, plus d’un euro sur deux investi dans les projets pourrait être sauvé avec une meilleure analyse fonctionnelle en amont.

Les facteurs clés de réussite

À l’inverse, lorsqu’un Business Analyst excelle dans son rôle d’AMOA, le projet a toutes les chances de réussir. Le Standish Group (rapport CHAOS) a mis en évidence que les trois principaux facteurs de succès d’un projet sont :

1) l’implication des utilisateurs,

2) le soutien de la direction,

3) une expression claire des exigences dès le départ (Microsoft Word – THE CHAOS REPORT 1994-revised.doc).

Ces trois facteurs relèvent directement des compétences fonctionnelles et relationnelles : faire émerger les besoins réels via le dialogue avec les utilisateurs, obtenir l’adhésion des sponsors, et formaliser des exigences compréhensibles et complètes.

Un Business Analyst doté de ces compétences va réduire les risques de dérive du projet (effet scope creep), éviter les incompréhensions coûteuses et s’assurer que la solution développée correspond au problème à résoudre. En somme, la technique ne peut pas rattraper des besoins mal définis. Une bonne maîtrise de SQL ou de Power BI ne compensera jamais un manque d’analyse critique ou de compréhension métier – et c’est pourquoi les compétences d’analyse fonctionnelle sont si déterminantes dans le succès ou l’échec d’un projet informatique.

Témoignages et études de cas : quelles leçons du terrain ?

Plusieurs retours d’expérience illustrent les conséquences d’un déséquilibre dans les compétences des BAs recrutés. Privilégier uniquement des compétences techniques chez un analyste peut conduire à des écueils.

Par exemple, un BA très versé en SQL et en codage, mais manquant de compétences en communication et en recueil du besoin, risque de produire des spécifications inadaptées ou d’échouer à fédérer les utilisateurs autour de la solution. Un article de Capsim destiné aux recruteurs avertit justement que si les compétences dures (data analysis, IT, etc.) sont indispensables, « elles ne font pas pour autant les meilleurs analystes » (Hiring a Business Analyst? The 5 Soft Skills for Business Analysts to Look For).

Sans capacités de collaboration, d’empathie et de résolution de problèmes, un Business Analyst aura du mal à fournir toute la valeur attendue par l’entreprise, même s’il maîtrise les outils à la perfection.

Un autre écueil constaté est la sous-estimation des compétences fonctionnelles lors du recrutement, souvent par méconnaissance du rôle. Certains managers techniques ont pu supposer qu’un BA sachant coder “tiendra tête” plus aisément aux développeurs dans les discussions techniques. Cependant, cette supposition se vérifie rarement : ce n’est pas parce qu’un analyste sait écrire du code qu’il parviendra à mieux traduire les besoins métier ou à mieux collaborer avec l’équipe de développement.

Comme le note Bridging the Gap, exiger des compétences techniques dans une offre peut parfois cacher une autre intention : on cherche un analyste capable de « penser logiquement et comprendre les concepts techniques globaux » (Why Do We See Technical Skills in Business Analyst Jobs?), ou on anticipe maladroitement les problèmes de communication entre BAs et développeurs.

Mais en réalité, la clé d’une bonne entente avec les équipes techniques réside plus dans la compréhension mutuelle et la clarté des exigences que dans la capacité du BA à programmer lui-même. Plusieurs entreprises ont fait l’apprentissage, parfois à leurs dépens, qu’un BA ultra-technique mais peu à l’écoute des utilisateurs peut passer à côté du besoin réel, entraînant des allers-retours et des retards.

À l’inverse, d’autres organisations ont témoigné que le fait de recruter des BAs au profil plus fonctionnel (par exemple venant du métier, ou ayant d’excellentes aptitudes relationnelles) a favorisé des projets plus alignés sur les attentes du business, avec moins de corrections tardives.

Il est également instructif de regarder du côté des géants de l’industrie technologique. Google, par exemple, a conduit le Projet Aristotle sur la performance de ses équipes : il en ressort que les équipes les plus efficaces ne sont pas nécessairement celles qui réunissent les plus fortes expertises techniques individuelles, mais celles qui instaurent une bonne communication, de la confiance et une sécurité psychologique entre membres (Measuring the Impact of Soft Skills Training on Business Performance ).

Autrement dit, sans soft skills, même une somme de “génies” techniques n’atteint pas son plein potentiel. Ceci corrobore l’idée que pour un Business Analyst – souvent au carrefour entre différentes équipes – les compétences relationnelles et analytiques sont un véritable levier de réussite.

D’ailleurs, certaines entreprises ayant investi dans la formation aux soft skills observent des gains tangibles : par exemple +20 % de productivité et +15 % de taux de rétention après des programmes de formation en communication, esprit d’équipe et résolution de problèmes (Measuring the Impact of Soft Skills Training on Business Performance ).

Ces témoignages et études de cas envoient un message clair : négliger les compétences fonctionnelles/AMOA d’un BA peut coûter cher, tandis que les valoriser crée un cercle vertueux de performance.

Tendances du marché de l’emploi des Business Analysts

Le métier de Business Analyst est en pleine croissance et en évolution constante. Aux États-Unis, l’emploi des BAs devrait croître d’environ 14 % sur la prochaine décennie selon les données du Bureau of Labor Statistics (Top 20 SQL Business Analyst Interview Questions (Updated for 2025)) – une progression bien supérieure à la moyenne des métiers.

En France et à l’international, la transformation numérique des entreprises et l’essor de la data alimentent la demande en analystes capables de faire le lien entre données, technologie et métier. On observe toutefois une diversification des profils recherchés sous le titre de “Business Analyst”.

D’un côté, de plus en plus de rôles de Business Analyst Data/BI émergent, où la maîtrise de SQL, Power BI, Python peut être centrale.

De l’autre, les besoins traditionnels en BAs fonctionnels/AMOA demeurent, notamment pour piloter des projets SI, refondre des processus métier ou implémenter des ERP en adéquation avec les utilisateurs.

Comme le souligne Bridging the Gap, « les rôles de business analyst sont désordonnés » et englobent de multiples spécialisations et périmètres (Why Do We See Technical Skills in Business Analyst Jobs?). Cette variété se reflète dans les offres d’emploi : certaines recherchent un analyste technique proche du développeur, quand d’autres attendent un consultant fonctionnel proche du métier.

Néanmoins, on discerne une tendance de fond dans le marché: la montée en importance des compétences analytiques et cognitives.

Le Forum Économique Mondial classe ainsi la pensée analytique (analytical thinking) comme la compétence numéro 1 la plus demandée par les employeurs en 2023, devant des compétences spécifiques liées à la technologie (The Top Skills Employers Seek Have Nothing to Do With Technology – Professional & Executive Development | Harvard DCE).

De même, la pensée critique, la créativité et la résolution de problèmes complexes figurent parmi les compétences dont la demande progresse le plus vite d’ici 2025 (Measuring the Impact of Soft Skills Training on Business Performance ).

Pour les Business Analysts, cela se traduit par une valorisation accrue de la capacité à comprendre le business et à apporter une réflexion stratégique. Les recruteurs cherchent des profils adaptables, capables d’apprendre de nouveaux outils rapidement, mais surtout à même d’“analyser et résoudre” plutôt que de simplement “produire et exécuter”. En clair, le marché de l’emploi BA semble évoluer vers un équilibre où la connaissance métier et les aptitudes transversales reprennent du poids face à la course aux outils à la mode.

Attentes des recruteurs vs. besoins réels du métier

Un décalage persiste parfois entre les critères mis en avant par les recruteurs et les compétences réellement nécessaires dans le quotidien du Business Analyst. Les descriptifs de poste ont tendance à énumérer des compétences techniques car elles sont plus faciles à vérifier (certifications, connaissances outil X ou Y). Cependant, cela ne signifie pas que le reste est accessoire – bien au contraire.

Dans les faits, un BA performant passe une grande partie de son temps à communiquer avec les parties prenantes, à éliciter des besoins ambigus, à prioriser des exigences et à anticiper les impacts métier des solutions envisagées. Autant de tâches où exceller en Excel ou en SQL n’aide pas sans le savoir-faire analytique et relationnel.

Il est intéressant de comparer ce que recherchent explicitement les employeurs et ce qui fait la réussite dans le métier. D’un côté, beaucoup d’offres requièrent des compétences techniques « de base » en informatique (connaissance SQL appréciée, maîtrise d’un outil de data visualisation, etc.), parfois même lorsque le poste n’implique pas de coder au quotidien.

Ces exigences peuvent être interprétées comme un gage de culture générale IT ou de pensée structurée. Par exemple, une mention du type « SQL souhaité » peut indiquer que l’entreprise veut s’assurer que le BA comprend les bases d’un modèle de données et pourra dialoguer avec les développeurs au besoin (Why Do We See Technical Skills in Business Analyst Jobs?).

En revanche, les compétences comportementales (communication, esprit d’équipe, écoute, pensée critique…) sont rarement listées de façon exhaustive. Il serait pourtant erroné de croire que les employeurs n’y prêtent pas attention : en entretien, le savoir-être du candidat est scruté.

Robert Half préconise ainsi aux recruteurs d’évaluer les soft skills des BAs, en particulier la communication et la collaboration, via des questions comportementales en entretien (8 questions couramment posées aux Business Analysts en entretien).

L’IIBA rappelle aussi que bien que peu exigées “sur le papier”, la plupart des employeurs accordent une grande valeur à ces qualités humaines qui permettent de « collaborer et prospérer au sein de l’organisation » (Top skills a business analysis professional should have | IIBA®).

Du point de vue des besoins réels du métier, les compétences fonctionnelles priment largement. D’après une synthèse de Simplilearn sur les skills du BA moderne, les trois compétences les plus importantes pour un Business Analyst qui réussit sont

1) la compréhension des objectifs métier,

2) la pensée analytique/critique,

3) la communication (Top 25 Business Analyst Skills for 2025).

Ces trois aptitudes relèvent du savoir-faire fonctionnel/analytique plus que de la technique pure, et correspondent exactement au rôle attendu d’un BA en mission. En effet, comment un analyste pourrait-il apporter de la valeur s’il ne comprend pas le pourquoi du projet (le besoin business), s’il n’analyse pas avec rigueur les informations à sa disposition, ou s’il n’arrive pas à communiquer clairement avec les décideurs et l’équipe projet ?

Les recruteurs les plus avisés l’ont compris : ils cherchent des équilibristes capables de faire le lien entre des univers différents. Comme le résume un expert, l’idéal est de trouver un BA qui soit à la fois “bilingue” business-technique, doté d’une vision globale, plutôt qu’un pur technicien cloisonné (Why Do We See Technical Skills in Business Analyst Jobs?).

En pratique, les compétences techniques restent utiles – notamment pour être autonome dans l’analyse de données ou comprendre les contraintes d’implémentation – mais elles sont relativement plus faciles à acquérir par la formation comparé aux compétences comportementales innées ou à l’expérience métier terrain. C’est pourquoi de plus en plus de voix encouragent les entreprises à réviser leurs grilles de recrutement.

En synthèse

En confrontant les attentes affichées dans les recrutements de Business Analysts et la réalité des facteurs de succès du métier, on constate que les compétences AMOA/fonctionnelles jouent un rôle crucial, trop souvent sous-estimé face aux compétences techniques visibles.

Les statistiques de projets en échec rappellent durement que la technique seule ne suffit pas – sans une bonne analyse des besoins et une communication efficace, même les meilleurs outils ne mèneront pas au résultat escompté.

À l’inverse, un BA doté de solides compétences analytiques, d’une connaissance métier et de soft skills pourra rapidement monter en compétence sur un nouvel outil si nécessaire, tout en sécurisant la valeur métier du projet. Comme le souligne un spécialiste, il peut être tentant d’embaucher “sur CV” en cochant des technologies, mais « ce ne sont pas ces aptitudes dures qui font les meilleurs analystes » (Hiring a Business Analyst? The 5 Soft Skills for Business Analysts to Look For).

En définitive, les entreprises auraient tout intérêt à élargir leurs critères de sélection et d’évaluation des Business Analysts : au-delà de SQL et Power BI, rechercher des qualités d’analyse, d’adaptation, de pédagogie et de compréhension du métier.

Image de Alice Svadchii

Alice Svadchii

Fondatrice de Best Of Business Analyst©
Formatrice⎥Coach⎥Conférencière⎥Créatrice de contenus

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