ChatGPT et la Business Analyse : opportunité ou menace ?

Dans cet article, je voudrais partager une réflexion personnelle sur l’arrivée de ChatGPT et plus largement de l’intelligence artificielle générative dans notre quotidien de Business Analyst. Est-ce une chance pour nous, un accélérateur qui va nous libérer du temps, ou au contraire une menace qui risque de dévaloriser notre métier ?

Je vais vous livrer ici mes idées, issues de mes observations et de ma pratique, comme un fil de pensée structuré, pour essayer de poser les bons repères.

L’IA générative, une révolution déjà omniprésente

D’abord un constat : l’IA générative est partout. En quelques mois seulement, son usage s’est répandu dans toutes les strates de la société, dans tous les pays et quasiment toutes les professions. On pose une question à ChatGPT et l’on obtient une réponse structurée sans avoir à passer par des heures de recherches sur internet ou de visionnage de vidéos.

C’est un raccourci pratique, dans une société où le temps est une ressource rare et précieuse. Et justement, le temps est au cœur du problème. En entreprise, on nous laisse de moins en moins d’espace pour réfléchir avant de proposer des solutions. Tout va plus vite : on nous demande de livrer rapidement, d’être performants, de produire des résultats dans un laps de temps de plus en plus court.

Même quand les entreprises aimeraient préserver des rythmes plus humains, elles sont plongées dans un environnement où tout s’accélère. Pour survivre, elles doivent suivre le rythme.

Le rôle du Business Analyst : une discipline complète et exigeante

Comprendre et cadrer les besoins

Dans ce contexte, quel est le rôle du Business Analyst (BA) ? Notre mission reste inchangée : identifier la meilleure solution possible en réponse à un besoin exprimé ou latent dans une organisation.

Il peut s’agir d’un problème actuel que l’entreprise vit, ou au contraire d’une opportunité qu’elle voudrait saisir mais sans savoir comment ni avec quels moyens. Le BA intervient pour comprendre le besoin, identifier et analyser les solutions, les concevoir dans le détail, et accompagner le changement.

L’élicitation, fondement de notre travail

La première étape, c’est l’élicitation, c’est-à-dire le recueil d’informations exhaustives, fiables, vérifiées et consensuelles, souvent appelée par abus de langage « recueil des besoins ». On distingue l’élicitation non collaborative, où l’on exploite des documents ou des interfaces sans impliquer directement les humains, et l’élicitation collaborative, qui passe par des ateliers avec les parties prenantes. Ces ateliers peuvent prendre la forme de brainstorming, d’interviews, de démarches structurées comme le Design Thinking ou d’autres techniques selon l’objectif recherché.

L’analyse : jongler avec une masse hétérogène

Ensuite vient l’analyse. Il faut trier et comprendre une masse d’informations très variées : métier, technique, organisationnelle, stratégique. Parfois il s’agit d’une vue macroscopique, parfois d’une règle métier extrêmement précise. Le BA s’adresse à des contributeurs internes comme externes, des opérationnels, des managers, des clients, des fournisseurs, voire des autorités réglementaires. Le cerveau doit alors fonctionner à plein régime pour intégrer, relier et synthétiser toutes ces données.

La recommandation et la communication

Une fois cette analyse réalisée, vient le temps des recommandations. Le BA ne décide pas, mais il propose des options et les argumente. Pour cela, il mobilise des méthodes, ses soft skills, son intuition, sa compréhension systémique, son expérience. Il prépare ensuite une présentation à destination de parties prenantes diverses : managers de haut niveau, équipes techniques, utilisateurs finaux, clients ou fournisseurs. Cette phase de restitution est chronophage et nécessite un vrai talent de communication.

De la conception aux tests et à l’accompagnement du changement

Lorsque la décision est prise, le BA accompagne la mise en œuvre de la solution retenue. Cette fois, il analyse à partir de la solution cible et non plus uniquement du besoin. Il examine le système d’information existant, les manques, les défaillances, et il affine ses recommandations techniques.

Si la solution est informatique, il modélise les processus métiers impactés, décrit le système cible, identifie les écarts entre l’existant et le futur, produit des diagrammes et des spécifications textuelles. Ces documents servent de base aux équipes techniques pour concevoir et développer l’application. Ce travail est itératif et incrémental : on recueille, on écrit, on se rend compte qu’il manque des informations, on revient vers les parties prenantes, on complète et on valide.

Ce même schéma s’applique d’ailleurs en dehors de l’informatique, lorsqu’il s’agit par exemple de redéfinir des processus métier, d’introduire de nouveaux KPI de pilotage, ou d’améliorer une organisation opérationnelle.

Dans tous les cas, cela implique beaucoup de documentation, de modélisation, de rédaction de règles métier, de vérification, jusqu’à l’obtention d’une conception claire et validée. Ensuite, lors de la réalisation, le BA intervient encore : il prépare des cas de test, décrit les campagnes et  scénarios, définit les jeux de données, et vérifie que la solution correspond au besoin métier. Et enfin, il participe à l’accompagnement du changement, avec la rédaction de guides utilisateurs, de supports de formation, de tutoriels.

👉 Ce rappel permet de comprendre un point essentiel : la Business Analyse est une discipline où l’écrit et la synthèse tiennent une place énorme.

Les opportunités offertes par l’IA générative

Gagner du temps sur les comptes rendus et la documentation

Produire un compte rendu d’atelier, par exemple, peut prendre plusieurs jours. Avec une IA, cela se fait en quelques minutes, parfois automatiquement via des outils intégrés aux plateformes de visioconférence.

Synthétiser des masses d’informations

Pour transformer cinquante pages de notes en deux pages de synthèse, l’IA se révèle précieuse. Elle libère du temps pour réfléchir et prendre du recul.

Multilingue et communication internationale

Elle peut aussi rédiger dans plusieurs langues, ce qui est évidemment crucial dans un contexte international.

Préparer des tests plus rapidement

L’IA accélère la préparation des tests, en générant des scénarios ou des cas à partir de spécifications.

Un partenaire de réflexion

Enfin, elle peut servir de partenaire de réflexion : en lui demandant de jouer le rôle de coach ou de contradicteur, le BA peut sortir de ses biais et approfondir son analyse.

Les limites et les menaces de l’IA pour le métier

Mais alors, est-ce l’Eldorado des Business Analysts, ou… leur mort? 

J’ai identifié de nombreuses limites voire menaces à la réussite des projets d’entreprise qui se reposeraient trop sur les IA. En voici quelques-unes.

Une connaissance métier insuffisante

L’IA ne possède pas la connaissance métier fine d’une entreprise ou d’un secteur. Elle peut produire des textes plausibles, mais pas forcément pertinents dans un contexte précis. Elle va chercher sur internet, pas sur les réseaux privés et ne pourra donc pas utiliser la base de connaissances des entreprises.

Pas d’intuition, pas d’émotion

Elle n’a pas d’intuition ni de sensibilité émotionnelle. Or, la prise de décision ne repose pas seulement sur des faits, mais aussi sur l’expérience, l’intuition et la compréhension des dynamiques humaines. Si vous voulez approfondir, tapez « Phineas Gage » sur Google (ou demandez à ChatGPT, haha!). En 1848, son accident – une barre de fer dans la tête en manipulant un explosif pendant les travaux de construction des chemins de fer dans le Vermont – a révolutionné les neurosciences. Et la compréhension que les émotions jouaient un rôle fondamental sur la (bonne) prise de décision.

Risque pour les Business Analysts juniors

Autre risque :  les BA juniors ou non formés risquent de déléguer trop à l’IA. Ils se privent de l’apprentissage par la pratique. Ils restent dans une posture de débutant, même après plusieurs mois. 

Confidentialité en question

Les données saisies dans ChatGPT ou d’autres IA sortent du réseau de l’entreprise. Même si les éditeurs promettent la sécurité, le doute demeure. Or, les BA manipulent souvent des informations sensibles. La seule solution réellement sûre serait une IA déployée à l’intérieur du réseau de l’entreprise.

Opportunité et menace : une équation à équilibrer

Pour résumer, je pense que l’IA est une opportunité pour accélérer les tâches chronophages, automatiser des productions sans valeur ajoutée et libérer du temps pour l’analyse stratégique.

Mais elle devient une menace si elle est utilisée comme substitut de l’analyse humaine, ou si elle entretient une illusion de pertinence alors qu’elle produit des documents incomplets ou biaisés.

À mes yeux, l’IA doit être considérée comme un copilote. Elle peut nous aider à produire plus vite, à explorer des pistes, à gagner en efficacité sur certains livrables. Mais elle ne doit pas remplacer la réflexion, la validation, la compréhension métier et la créativité humaine.

Le rôle clé du processus d’écriture

Écrire un compte rendu ou une spécification n’est pas qu’une tâche administrative. C’est le moment où l’on prend du recul, où l’on identifie les incohérences, où l’on détecte les besoins implicites.

Si l’on se contente de laisser l’IA produire le texte à notre place, on perd cette réflexion précieuse et on n’intègre pas les informations. À terme, cela freine notre montée en compétence et notre capacité à dialoguer avec les experts métiers et techniques.

Conclusion : l’humain reste irremplaçable (selon moi!)

Un Business Analyst produit de la qualité lorsque ses relations avec ses contributeurs reposent sur la confiance. C’est grâce à cette confiance, à cette empathie, que nous recueillons les besoins non exprimés, inconscients, parfois cachés.

Une IA ne le fera jamais à notre place. Certes, elle peut simuler un ton amical. Mais peut-on imaginer un atelier avec dix contributeurs et, à la place du BA, une IA posant les questions ? Est-ce que les participants livreraient leurs craintes les plus profondes, ces informations qu’ils confient parfois uniquement à la machine à café ?

Et pourtant, ce sont souvent ces éléments qui font la différence entre une solution moyenne et la meilleure solution possible. Le recueil d’une information exhaustive, fiable et consensuelle repose sur l’échange humain, parce que nous comprenons les émotions, les contextes, les besoins cachés.

Une partie du travail pourra toujours être déléguée à l’IA. Mais la partie la plus importante, celle qui fait la valeur de notre métier, restera profondément humaine.

Image de Alice Svadchii

Alice Svadchii

Fondatrice de Best Of Business Analyst©
Formatrice⎥Coach⎥Conférencière⎥Créatrice de contenus

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