Le cauchemar des acronymes (Le Petit Guide de survie pour une communication claire)

Vous l’avez sans doute remarqué / subi / détesté / utilisé / créé : l’acronyme est partout, il se glisse subrepticement dans les sphères économique, professionnelle, sociale, culturelle, du cercle le plus élargi au plus privé.

Je vais m’attarder dans cet article à leur usage professionnel, lequel peut rapidement virer au cauchemar quand on est Business Analyst (mais il n’est pas nécessaire de faire ce métier pour s’arracher les cheveux !).

A quoi sert un acronyme ?

Un acronyme a pour vocation initiale de simplifier la communication, en partageant une abréviation dont le sens est communément admis par tous les interlocuteurs d’un même groupe, sans être obligé de le définir par une longue phrase. Cette suite d’initiales de plusieurs mots, souvent écrites en majuscules comme les sigles, peut également être utilisée comme moyen mnémotechnique. Certaines entreprises créent d’ailleurs souvent un acronyme qui « sonne » bien à l’oreille avant d’accoler un mot après chacune des lettres qui le composent.

Les effets de bord

Malheureusement, ce qui est censé réunir autour d’une compréhension commune peut avoir deux conséquences très nocives :

  • Premièrement, les acronymes peuvent créer une ségrégation, avec d’un côté ceux qui les connaissent et les comprennent, et de l’autre, « les autres ». A titre personnel, je pense d’ailleurs que l’existence des acronymes n’est pas innocente dans bien des professions, car elle permet de maintenir un esprit de groupe (voire de caste) et de protéger ainsi ses avantages. Mais passons, tel n’est pas le sujet dans cet article ;). Pour ne pas se sentir exclu, l’être humain est donc tenté de faire semblant de les comprendre, ce qui freine les échanges éclairés et constructifs.
  • Deuxièmement, les acronymes peuvent a contrario propager ambiguïté et incompréhension au sein des groupes qui les utilisent. Les effets pervers de leur utilisation inadéquate sont excessivement nombreux, depuis la simple perte de temps due à un problème de communication, à la mise en place d’une solution inapplicable (processus, système d’information…) avec à la clé des effets plus ou moins graves.

La maîtrise des acronymes s’apparente souvent à l’apprentissage d’une langue étrangère, à la différence près qu’on n’ose pas souvent déclarer ouvertement son ignorance.

Bien sûr, il existe de nombreux acronymes enseignés et partagés au sein d’une profession ou d’un secteur d’activité, comme en comptabilité, en droit, dans les BTP ou l’aéronautique.

Ceux-ci évoluent au fil des années, de la mondialisation et des avancées technologiques, méthodologiques et culturelles, et il est nécessaire de faire de la veille professionnelle pour mettre à jour régulièrement ses connaissances. Attention néanmoins quand ils ont été traduits d’une langue vers une autre : ils peuvent devenir incompréhensibles ! (NATO – OTAN, ADN – DNA pour n’en citer que deux connus)

Au-delà de cette catégorie, il y a celle des acronymes « maison », qui est la plus dangereuse. Bonjour les dégâts quand ils émaillent les assertions de vos collègues et managers, vous faisant douter de la fraicheur de vos connaissances. D’autant plus qu’en général, tout le monde dans la salle de réunion acquiesce benoîtement, vous y compris, pour ne pas passer pour l’incompétent de service.

Mes 2 conseils de survie

  1. Osez demander !

 « L’ATBB pour les LH, DAU et SP est encapsulé dans une TN du DO, et permet de s’assurer qu’on est ICA. Il faut cependant vérifier son impact au niveau des CG, QG, et CP du E2E. Il est également important de faire un RACI pour chaque étape du processus »

La prochaine fois qu’on vous servira une phrase de ce genre (mon vécu personnel), demandez qu’on vous explique les acronymes qui vous sont inconnus, c’est-à-dire à quels mots leurs initiales font référence et quelle est leur définition exacte. Vous serez surpris du nombre de réponses divergentes, quand ce ne sera pas des « ben j’ sais pas » plus ou moins gênés.

Cette démarche décomplexée est indispensable pour collecter, comprendre, analyser et proposer une solution claire, non ambiguë, et partagée par tous les interlocuteurs. Et en plus, vous ferez des heureux : tous ceux qui n’auront pas osé poser la question et qui auront tenté d’interpréter le sens de l’acronyme, parfois depuis des années, souvent à tort…

  1. Évitez de créer vous-même des acronymes !

Et, si vous le pouvez en tant que manager, imitez Elon Musk, le fondateur-dirigeant de SpaceX.

De nombreux dirigeants d’entreprise, d’ingénieurs et managers utilisent un jargon incompréhensible pour le commun de leurs mortels collaborateurs. Aussi, pour vulgariser et simplifier la communication au sein de son entreprise, Elon Musk a tout simplement interdit la création d’acronymes sans justification raisonnable. Son célèbre e-mail de 2010 était intitulé « Acronyms seriously suck » (les sigles sont vraiment pénibles).

Je vous en livre la version traduite en français, à déguster sans modération !

« Il existe chez SpaceX une tendance insidieuse à utiliser des sigles. L’abus des sigles inventés nuit beaucoup à la communication, or il est extrêmement important que nous conservions une bonne communication tout en grandissant. Pris isolément, quelques acronymes ici ou là peuvent sembler inoffensifs, mais si mille personnes se mettent à en inventer, nous devrons à la longue constituer un énorme glossaire pour les nouveaux salariés. Personne n’est vraiment capable de se souvenir de tous ces sigles, et personne ne veut paraître idiot dans une réunion ; résultat, on reste ignorant. C’est particulièrement dur pour les nouveaux venus.

Il faut arrêter cela tout-de-suite, sans quoi je prendrai des mesures drastiques – j’ai émis assez d’avertissements ces dernières années. Aucun sigle ne doit entrer dans le glossaire de SpaceX sans avoir été approuvé par moi. Si certains sigles n’ont pas de justification raisonnable, ils doivent être éliminés, comme je l’ai demandé par le passé.

Par exemple, les positions sur les stands de test ne devront pas être désignées par « HTS » [Horizontal Test Stand] ou « VTS » [Vertical Test Stand]. Ces formules sont particulièrement idiotes car elles contiennent des mots inutiles. Un « stand », sur notre site de test, est évidemment un stand de test. « VTS-3 » c’est quatre syllabes, alors que « Tripod » n’en compte que deux : ce foutu sigle est en fait plus long que le nom !

Le critère, pour le sigle, est de se demander s’il facilite ou complique la communication. On peut très bien utiliser les sigles que la plupart des ingénieurs connaissent à l’extérieur de SpaceX, comme GUI pour « interface graphique ». Il est admis aussi de fabriquer quelques sigles/diminutifs de temps en temps pourvu qu’ils soient validés par moi, mais il faut s’en tenir au minimum ».

Tiré du livre « Elon Musk : Tesla, Paypal, SpaceX. L’entrepreneur qui va changer le monde », de Ashlee Vance

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Alice Svadchii
Alice Svadchii
Auteure du blog et Business Analyste enthousiaste
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Alice Svadchii

Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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