“Le jeu des reproches”: vous connaissez?
Imaginez que vous soyez à la tête d’un projet important. L’échéance se rapproche, mais l’avancement a pris du retard et votre Direction veut en connaître les raisons.
Vous et votre équipe êtes invités à venir vous expliquer mais, avant même que vous en ayez pris conscience, le “jeu des reproches” a déjà commencé. La discussion tourne en rond, tandis que vous essayez de déterminer le ou les responsables, et de comprendre les causes du retard.
Perdre du temps à pointer du doigt le fautif au lieu de chercher des solutions est une pratique courante, bien que non constructive.
Dans cet article, nous allons examiner ce qu’est le « jeu des reproches », comment l’arrêter une fois qu’il a commencé et enfin, comment éviter qu’il ne commence.
Qu’est-ce que le jeu des reproches ?
Lorsque quelque chose se passe mal et que nous nous sentons menacés, nous avons une tendance instinctive et naturelle à vouloir nous protéger des conséquences négatives. C’est ainsi que certains d’entre nous se mettent à la recherche de boucs émissaires ou tentent de rejeter la faute sur autrui.
Une autre attitude plus pacifiste mais tout aussi peu constructive consiste à nous distancier du problème, par peur des conséquences si nous en assumions la responsabilité.
Bien entendu, cette approche de résolution de crise n’avance à rien. Rejeter la faute sur quelqu’un d’autre ne nous aidera ni à respecter le délai planifié, ni à corriger la cause racine du retard.
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Savoir reconnaître le jeu des reproches
Si le « jeu des reproches » est parfois flagrant, il peut aussi se dérouler de manière plus subtile.
Voici donc quelques signaux d’alerte qui peuvent vous alerter :
- L’exclusion : une ou deux personnes de l’équipe sont régulièrement exclues ou marginalisées. Elles peuvent être “plus faibles” que les autres (en raison de leur caractère ou de leur position dans l’équipe), ou être absentes de la discussion.
- Le “pointage de doigt” : les membres de l’équipe mettent en lumière des erreurs commises au sein du groupe. Par exemple, “Alex était censé vérifier ces chiffres avant la présentation”.
- Le déni : les gens nient leur responsabilité ou se trouvent des excuses. Ils peuvent faire des commentaires de ce type : « Je n’y suis pour rien, personne ne m’en a informé ! »
- La négativité : aucune solution n’est trouvée pour résoudre le problème en question car tout-le-monde se concentre sur la recherche de la faute. On constate une forte résistance du groupe à se projeter dans la résolution du problème, chacun se concentrant exclusivement sur les aspects négatifs.
Les 5 impacts délétères du reproche
Blâmer les autres peut avoir un effet néfaste sur le moral individuel et de groupe, et par ricochet, sur les performances. Les membres de l’équipe peuvent se sentir rabaissés ou humiliés s’ils sont accusés d’être responsables d’un problème, surtout si ce n’est pas leur faute.
#1 – C’est toujours la faute du bouc émissaire
Une culture du reproche peut également faire émerger des “boucs émissaires systématiques” (individus ou équipes), alors que le véritable problème peut se situer ailleurs ou avoir plusieurs causes racines. Il est plus facile de blâmer une personne d’un autre service ou d’un autre bâtiment que de pointer du doigt une personne du même bureau que vous côtoyez tous les jours.
Avec le temps, le bouc émissaire systématique peut même perpétuer des préjugés ou des partis pris, ou même conduire à des discriminations. Il peut également porter atteinte à l’intégrité des autres membres de l’équipe qui en sont témoins, mais qui ne font rien pour l’empêcher.
#2 – L’entreprise entière semble incompétente
Le fait de se renvoyer la balle peut également entamer la confiance des clients et des fournisseurs et entacher la réputation d’une organisation. Imaginiez que vous travaillez dans un call-center et que vous répondiez ainsi à un client mécontent : “C’est la faute du département comptabilité, pas la nôtre, je ne peux pas vous aider”. Il est évident que cette attitude donnera l’impression au client que c’est toute votre entreprise qui est incompétente.
#3 – Le jeu des reproches: un frein à la créativité
Les reproches peuvent également freiner la créativité et l’innovation au sein de votre organisation. En effet, les collaborateurs peuvent craindre d’essayer de nouvelles choses car ils savent que cela peut leur retomber dessus si cela ne fonctionne pas. A long terme, le jeu des reproches peut ainsi réduire les performances de l’équipe et de l’entreprise.
#4 – La vraie source du problème est occultée
Certaines personnes acceptent les reproches qu’on leur fait, quand bien même ceux-ci ne sont pas justifiés. Par exemple, un manager paternaliste et protecteur peut accepter de « porter le chapeau » pour les erreurs récurrentes commises par l’un de ses subordonnés.
Cette attitude d’acceptation est aussi régulièrement le fait des personnes très auto-critiques ou manquant de confiance en elles; elles peuvent considérer que tout est de leur faute, même si ce n’est pas le cas.
Remarque
Refuser de jouer au jeu des reproches ne signifie pas “laisser couler” ou espérer qu’une situation se résoudra d’elle-même. En effet, si les problèmes sont dus à un travail bâclé, à un manque d’implication personnelle ou à de l’inattention récurrente de certains collaborateurs, il est important de tout mettre en œuvre pour les résoudre.
#5 – Problème entériné = non résolu
Ne pas tenter de solutionner le problème racine peut susciter du ressentiment de la part du reste de l’équipe, et surtout, permettre à ce même problème de se reproduire.
En effet, le message inconsciemment transmis au reste de l’équipe est que les autres collaborateurs doivent compenser la défaillance de leur collègue responsable – ce qui n’est pas non plus une approche constructive.
Comment éviter le jeu des reproches
Pour éviter qu’une « culture du reproche » s’installe, il est important de fixer clairement vos attentes et vos limites à toute l’équipe.
Mettre en place un dialogue constructif
Au lieu de systématiquement pointer du doigt les responsables pour des erreurs commises, voici quelques mesures à prendre :
- Établissez clairement les rôles et responsabilités. En effet, lorsque les collaborateurs savent exactement qui est responsable de quoi au sein de l’équipe, il leur est plus difficile de blâmer les autres lorsque quelque chose ne se passe pas bien. Et cela améliore les chances que le processus se déroule correctement de bout en bout.
- Encouragez la prise de responsabilité personnelle, au lieu du « micro-manager » (vous savez, ce qu’on appelle les « petits chefs »…). Les membres de votre équipe se sentiront impliqués dans la réalisation et le résultat de leurs tâches.
- Favorisez l’ouverture et la communication. Une équipe ouverte et collaborative sera mieux armée pour faire face aux problèmes potentiels avant que ceux-ci ne deviennent incontrôlables. Demandez régulièrement l’avis de vos collaborateurs lors des réunions (ou individuellement, pour ceux d’entre eux qui se sentent moins à l’aise pour s’exprimer en groupe).
- Gare au « diktat » de la pensée collective, qui incite les gens à ne pas exprimer ouvertement leurs opinions sur des sujets difficiles, de peur de bouleverser le statu quo de leur groupe.
- Nourrissez votre intelligence émotionnelle et votre empathie. Même si, effectivement, votre collègue Kévin est vraiment fautif, il peut y avoir d’autres facteurs à prendre en compte. Peut-être est-il débordé en ce moment, ou vit-il un souci familial qui le rend temporairement plus inattentif ?
- Ayez pour objectif principal d’apporter votre soutien (et non pas de critiquer). Si un membre de l’équipe commet une erreur ou n’accomplit pas correctement une tâche, il peut avoir besoin d’un mentorat ou d’une formation pour améliorer des compétences spécifiques
Conseil
Dans certaines organisations, éviter de tomber dans le jeu des reproches peut nécessiter un changement culturel important. Vous n’y parviendrez peut-être pas seul, mais en prenant de petites mesures pour réduire votre propre tendance à blâmer et en encourageant les autres à faire de même, vous pouvez tout doucement favoriser le changement à l’échelle de l’organisation.
Changer le cours de la conversation
Lorsque les membres d’une même équipe commencent à se rejeter la faute, les choses peuvent vite devenir incontrôlables. Les blessures émotionnelles que cela cause peuvent endommager irrémédiablement les relations professionnelles. La question se pose alors de réussir à stopper un « jeu des reproches » une fois qu’il a commencé.
Réorienter positivement une discussion qui tourne mal
Voici quelques étapes à suivre pour rediriger la discussion dans une réflexion plus productive :
- Recadrer la situation. Cela signifie dépersonnaliser le problème, et se demander “OK, et maintenant, où souhaitons-nous aller ?”. Recadrer la situation passe également par le fait de se concentrer sur les mesures que l’équipe peut prendre pour y remédier, plutôt que de chercher le fautif. Un bon leader montre également qu’une crise peut être l’occasion d’apprendre et de s’améliorer.
- Présentez vos excuses. Si une personne a été injustement blâmée, essayez de faire en sorte que la ou les personnes responsables s’excusent. Si cela n’est pas possible (ah l’égo…), vous pouvez vous excuser en son nom.
Et si c’est vous le ou la responsable d’un reproche injuste et injustifié, la meilleure chose à faire est encore de le reconnaître et de vous excuser. Votre capacité d’empathie sera votre alliée pour détecter les signes de colère ou de stress, et vous permettre de proposer une discussion et un soutien en privé si nécessaire. - Informez vos collaborateurs du risque à jouer au « jeu des reproches ». Aidez les membres de votre équipe à comprendre en quoi se jeter mutuellement la pierre est contre-productif et à réfléchir à éviter ce genre de situation à l’avenir.
- Tirez les leçons de vos erreurs. Enfin, faites travailler vos collaborateurs dans l’écoute et la bienveillance sur une vision de l’avenir. Demandez-leur (et demandez-vous) : « Quelles sont les leçons que nous pouvons en tirer ? »
Vous pouvez par exemple identifier à quel moment il y a eu une rupture de communication dans le groupe, et analyser comment améliorer les processus pour éviter que des problèmes similaires ne se reproduisent.
Et vous, arrivez-vous à prendre du recul lors de situations de crises impliquant une gestion émotionnelle d’équipe ? Je serais ravie de vous lire en commentaires.
Ma source d’inspiration pour cet article : MindTools