La Gamification pour le meilleur ou pour le pire [6 étapes]

L’histoire de la « gamification » n’est pas qu’une question de jeu et de détente. En fait, c’est même très sérieux.

Kevin Werbach et Dan Hunter ont été à l’avant-garde du développement des outils de gamification dans le monde économique.

Dans la dernière édition de leur livre « For the Win : The Power of Gamification and Game Thinking in Business, Education, Government, and Social Impact », les deux auteurs expliquent que lorsque la gamification est utilisée avec pertinence et soin, elle permet d’obtenir des résultats difficilement reproductibles par d’autres méthodes. En revanche, mal utilisée, elle peut devenir abusive voire manipulatrice et dangereuse.

La gamification dans les affaires: effet de mode ou coupe de génie?

Tout a commencé il y a plus de 15 ans, avec le jeu mondialement connu des gamers « World of Warcraft ». Kevin Werbach et Dan Hunter fascinés par les perspectives offertes par les jeux virtuels en ligne, décidèrent de monter un groupe de travail avec d’autres chercheurs et journalistes pour réfléchir à leurs applications au monde des affaires.

« Ce qui m’a vraiment frappé … c’est que les jeux sont une source de motivation incroyable, qui font faire aux joueurs des choses parfois complètement dingues – voire ridicules » – Kevin Werbach

La gamification est un concept qui a fait couler beaucoup d’encre, suscité une vague d’enthousiasme puis soulevé beaucoup de doutes, voire de dédain.

Alors, est-ce une énième mode inutile, ou un vrai mouvement permettant d’obtenir des résultats à la hauteur des attentes de celles et ceux qui y ont recours ?

 

Le « game », effet de mode

Quand Kevin Werbach et Dan Hunter ont commencé leur étude, le battage médiatique était vraiment en avance sur la réalité. En d’autres termes, dans la réalité, beaucoup d’entreprises utilisaient des techniques de gamification sans le savoir, ni sans s’être réellement posé la question du pourquoi elles les utilisaient.

« L’exemple qui m’a le plus interpellé est celui d’une application de méditation que j’utilise et qui encourageait le méditant à se montrer assidu. Par exemple, s’il utilisait l’application deux, trois ou quatre jours d’affilée, il voyait s’afficher une notification avec un message de ce type : “Bravo, vous avez médité 4 jours d’affilée

Mais, à un moment donné, ils ont retiré cette fonctionnalité de l’application. Le développeur m’a expliqué qu’ils ne savaient pas vraiment pourquoi ils l’avaient mise dedans. En fait, si : c’était simplement parce que toutes les autres applications de méditation le faisaient.

Mais ils ont finalement réalisé qu’ils n’avaient pas envie que leurs utilisateurs méditants se préoccupent de faire une longue série  dans le seul but d’améliorer leur score personnel. Ce qu’ils voulaient, c’était que les utilisateurs se sentent engagés dans l’instant présent, et non dans l’atteinte d’un objectif futur. Alors, ils ont fini par enlever cette fonctionnalité.

Ce qui m’a frappé, c’est qu’ils ne savaient pas que c’était de la gamification. Ils ne savaient pas pourquoi ils le faisaient. C’était juste devenu quelque chose que l’on fait parce que c’est vraiment efficace. Et c’est un exemple où il était plus pertinent de retirer cette fonctionnalité de l’application, parce qu’ils n’avaient pas réfléchi de manière consciente à sa raison d’être. Cela m’a permis de comprendre que beaucoup de gens mettent en œuvre de la gamification sans même en être conscients. »

– Kevin Werbach

Il y a beaucoup d’exemples d’application de la gamification, pour le pire ou le meilleur.

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La gamification dans la santé et l’éducation

Du côté du meilleur, citons par exemple les domaines de l’éducation et des soins de santé, avec notamment l’expérience de Duolingo, une plateforme d’apprentissage des langues. Duolingo est conçue de manière réfléchie autour de la gamification, et c’est une des raisons principales de son succès.

Dans le domaine de la santé, la gamification peut inciter les gens à prendre leurs médicaments, ou aider à la rééducation de personnes victimes d’attaques cérébrales.

Ce dernier exemple est celui de Neofect, une entreprise sud-coréenne qui rééduque des patients victimes d’attaques cérébrales en leur faisant visualiser le mouvement de leurs mains et manipuler des objets virtuels à l’aide de jeux.

C’est un exemple très sophistiqué de la gamification, qui va bien au-delà de l’affichage de badges et de classements – qui par ailleurs donnent d’excellents résultats en matière de motivation.

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Ce sont les domaines de la santé et de la remise en forme qui sont les plus friands de cette technique, et c’est sans doute ce qui est le plus enthousiasmant, car la gamification peut vraiment changer la vie des gens.

 

Les effets pervers de la gamification

Cette technique peut également contribuer à motiver les collaborateurs au travail et aider à définir les politiques internes de l’entreprise. Et c’est parfois là que les effets négatifs de la pensée « gamifiée » peuvent se révéler dramatiques.

Citons par exemple ce trader, employé de la société américaine de services financiers Robinhood Markets, qui a mis fin à ses jours après avoir vu ses pertes financières notifiées (« gamifiées ») dans l’application mobile fournie par son entreprise.

Note : je ne mentionnerai même pas les effets pervers des jeux sur la santé, car je crois que tout le monde a en tête au moins un exemple personnel d’addiction aux réseaux sociaux gamifiés, ou à des applications ludiques (comme Can[BIP]y Cr[BIP]sh)

 

Vers une gamification éthique

Ainsi, si l’on ne doit retenir qu’un seul grand principe avant de se décider à utiliser ou non la gamification – la leçon à laquelle tous les dirigeants, managers, chefs de projets, Business Analysts et développeurs devraient réfléchir, ce serait celui-ci :

Introduire de la gamification dans une application, c’est proposer un grand changement dans la vie des utilisateurs finaux. Cela peut les motiver de manière très, très significative. Et c’est également excellent pour doper vos ventes et votre business de manière plus générale.

Mais ne perdez jamais de vue que cela peut aussi impacter très sérieusement la vie réelle des gens.

Ainsi, tout comme il est nécessaire de suivre des préceptes éthiques quand une nouvelle technologie est implémentée dans les médias sociaux, il est également indispensable de respecter ces mêmes principes éthiques à la gamification, parce que ses effets pervers peuvent se révéler dramatiques.

 

Jeu ou manipulation?

Pour reprendre l’exemple tragique du trader de Robinhood Markets, il aurait fallu appliquer ce précepte à la réflexion préalable autour de l’objectif métier à atteindre.

Se contenter de l’objectif stratégique « Amener les gens à faire plus de transactions spéculatives parce que plus il y en a, plus notre entreprise gagne de l’argent » est clairement un contre-exemple de ce qu’il faut faire pour satisfaire les utilisateurs.

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Car en ne pensant qu’à la valeur ajoutée côté « business », on oublie ces derniers et ce faisant, il est facile de glisser vers une vraie manipulation de masse – intentionnelle ou non.

Vous pourriez même, à l’exemple de Robinhood Markets, créer une application dont quelqu’un a tellement aimé le jeu que cela l’a poussé au suicide.

 

Les 6 étapes incontournables d’une gamification réussie

Kevin Werbach et Dan Hunter proposent dans leur livre un processus en 6 étapes pour sécuriser la mise en œuvre de techniques de gamification dans vos applications.

Ils appellent cela le « D6 Framework »:

  1. Définir l’objectif: que souhaitez-vous réaliser en utilisant la technique de gamification ?
  2. Délimiter les comportements cibles: que souhaitez-vous que les utilisateurs fassent grâce à la gamification ?
  3. Décrire les joueurs: qui sont-ils exactement ? Réfléchissez-y et regroupez-les en catégories. Qu’est-ce qui va motiver exactement chacun de ces groupes d’utilisateurs ?
  4. Définir les “cycles d’activité”: quelles sont les boucles de rétroaction du jeu qui permettront de déterminer les progrès réalisés ?
  5. Est-ce Drôle? Car il ne faut pas oublier le plaisir de jouer. Certains développeurs sont tellement focalisés sur la structure du jeu et ses processus qu’ils en oublient l’essentiel : il doit être amusant, sous peine de ne plus donner envie aux utilisateurs d’y jouer.
  6. Développer et Déployer l’application: ce n’est qu’après avoir franchi ces 5 premières étapes que vous pourrez enfin choisir les outils et technologies les plus appropriés à la mise en œuvre de la gamification.

Si vous respectez ces « 6D », vous mettrez alors toutes les chances de votre côté pour créer les éléments clés d’un système de gamification efficace

For the win
For the Win: How Game Thinking Can Revolutionize Your Business (K. Werbach, D. Hunter)

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Alice Svadchii
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Auteure du blog et Business Analyst enthousiaste
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Alice Svadchii

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Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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