Qui crée les normes internationales en Business Analyse ?

La manière de pratiquer la Business Analyse est extrêmement variable selon les pays, secteurs économiques, et Organisations et bien entendu, est étroitement liée aux compétences professionnelles et personnelles des Business Analysts eux-mêmes.

Normaliser les bonnes pratiques, compétences, techniques et outils de cette discipline n’est donc pas une mince affaire. C’est le défi auquel se sont attaquées quelques institutions, en créant puis en tentant de diffuser dans le monde entier leurs propres standards.

Quels sont ces schémas certificateurs, et quelles sont leurs différences ? Que vous soyez un.e Business Analyst ou un.e Organisation désireuse de cadrer ses bonnes pratiques pour améliorer ses performances, voici quelques éclaircissements pour vous permettre de sélectionner celui qui vous convient le mieux.

L’ISO (Organisation Internationale de Normalisation) définit une norme comme « (…) un document approuvé par un organisme reconnu, qui a été mis au point par voie de consensus entre des experts du domaine, et qui fournit des recommandations sur la conception, l’utilisation ou la performance des produits, processus, services, systèmes ou personnes. (…) Les normes peuvent être élaborées par des organismes nationaux, régionaux ou internationaux à activités normatives, ainsi que par des entreprises ou d’autres organismes pour leur propre usage interne. Elles peuvent être également élaborées par des consortiums économiques soucieux de répondre à des besoins spécifiques du marché ou par des ministères gouvernementaux en vue d’étayer des règlements. »

En l’absence de normes, vous ne pourriez pas utiliser votre carte bancaire pratiquement partout dans le monde. Une voiture japonaise louée en Australie n’aurait pas, sur son tableau de bord, les mêmes symboles que votre propre voiture française, chez vous en Norvège. Vous ne pourriez pas non plus regarder n’importe quelle vidéo (MPEG) téléchargée sur le Web sur n’importe quel ordinateur à disposition. Sans que vous n’en ayez le plus souvent conscience, des milliers de produits, processus, ou services répondent donc à une norme, qu’elle soit locale, nationale, ou internationale.

Un schéma de certification évalue la conformité à sa norme

En l’absence de normes, comme il y a une multitude de manières de pratiquer la Business Analyse, les Organisations et les acteurs impliqués ne peuvent pas se reporter à un « guide universel » applicable partout dans le monde.

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Ce constat a poussé certaines grosses Organisations – très grosses ESN, Administrations et grands Groupes employant des Business Analysts – à créer leurs propres standards internes. Ceux-ci sont en général enrichis d’un référentiel de modèles de documents, de bonnes pratiques, de processus de montée en compétence qu’elles mettent à disposition de leurs collaborateurs.

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A côté de cela, au début des années 2000, des Business Analysts expérimentés décident de mettre en commun leur expérience et de joindre leurs efforts en vue de créer un tout premier standard international. Imaginez l’ampleur du chantier : non seulement réunir les bonnes pratiques que chacun avait « fabriqué » dans son coin, au fil de son expérience personnelle, mais également trouver un consensus pour rédiger un corpus de connaissance homogène et clair. Ecrire une norme ne suffit pas, il s’agit ensuite de la diffuser, de l’expliquer, de la contrôler, de la faire évoluer.

Comment se crée un schéma de certification internationale ? L’exemple d’IIBA

Pour vous faire comprendre comment se sont créé les schémas de certification internationaux à la Business Analyse, je vais vous donner l’exemple de l’IIBA (International Institute of Business Analysis). En effet, IIBA est l’association historique de la business analyse, et également celle que je connais le mieux puisque je suis également membre du conseil d’administration du chapitre français (je vous explique ce qu’est un « chapitre » juste après).

Tous les schémas se créent et évoluent plus ou moins de la même manière.

Vous retrouvez ainsi en général:

  • Une « maison-mère » et ses émanations locales (les « chapitres),
  • Un corpus de connaissance (appelé syllabus par certains schémas) réunissant les bonnes pratiques et techniques de la BA vu sous l’angle du schéma en question,
  • Une ou plusieurs certifications, proposant différents niveaux d’expertise à la BA, et / ou différentes spécialisations,
  • Un programme d’accompagnement des entreprises,
  • Un programme d’encadrement des organismes de formation.

Reprenons donc mon exemple de la création et de l’évolution de l’IIBA.

Le chantier ambitieux consistant à créer une norme internationale a commencé en 2003 à Toronto, au Canada, lors d’un meeting inaugural réunissant 28 membres fondateurs. En mars 2004, l’IIBA naît officiellement, en tant qu’organisme à but non lucratif. Le travail collaboratif de ses membres conduit à la publication de la première version du BABOK (Business Analysis Body Of Knowledge), le corpus de connaissances de l’IIBA réunissant les bonnes pratiques, techniques et compétences de l’analyse d’affaires vues par le prisme et l’expérience de ses contributeurs.

La première certification, le CBAP (Certified Business Analysis Professional), ouverte aux BA expérimentés, née également cette même année.

L’IIBA s’est ensuite diffusée dans le monde anglosaxon, en commençant par toute l’Amérique du Nord, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud – ses émanations locales étant appelées des « chapitres ». Le nombre de membres augmente, et avec lui, le nombre de chapitres locaux s’ouvrant dans de nombreux pays. L’IIBA enrichit également ses standards pour suivre les évolutions méthodologiques (notamment en gestion de projets) et les progrès technologiques. Elle s’adapte également à la demande de Business Analysts non expérimentés et crée deux autres certifications à la Business Analyse, l’ECBA ouverte aux débutants non expérimentés, et le CCBA, ouverte aux BA « mediums ». Une certification agile voit également le jour, ainsi que d’autres certifications spécialisées (cybersécurité, data analytics)

A ce jour (2021), l’IIBA est présente dans plus de 40 pays, au travers de 120 chapitres, elle réunit 29000 membres (ce qui ne veut pas dire qu’ils sont tous certifiés – on peut être membre sans passer de certification), 300 organisations partenaires et plus de 240 organismes de formation certifiante (à ne pas confondre avec la formation qualifiante et la formation académique, comme je l’explique dans la vidéo ci-dessous).

Depuis, d’autres associations à but non lucratif ont vu le jour.

On en compte 4 qui ont créé des normes spécifiques à la Business Analyse. D’autres associations ont développé des standards recoupant en partie le vaste périmètre de l’analyse métier, comme :

Les 4 grands schémas actuels de certification internationale à la BA sont en quelque sorte les institutions clés « dictant » ce que doivent être les bonnes pratiques de la BA. Il s’agit de :

  • International Institute of Business Analysis (IIBA),
  • Project Management Institute (PMI)
  • International Qualification Board for Business Analysis (IQBBA)
  • Chartered Institute for IT (BCS)

Chacun de ces schémas de certification possède son propre corpus de connaissances, appelé « body of knowledge » ou « syllabus ».

La question que vous vous posez peut-être est « Pourquoi avoir créé plusieurs schémas si la norme se veut universelle ?».

La réponse est variable, mais en général, on retrouve trois causes racines majeures à la création de nouvelles associations normalisant la Business Analyse :

  • Tout d’abord, la vision de la BA étant multiple selon son application dans le monde, adhérer à un consensus n’est pas évident. Certains Business Analysts ne se retrouvaient donc pas forcément dans ce qui était décrit et préconisé. Cette différence de points de vue peut porter sur la place de la Business Analyse et son interaction avec d’autres disciplines, notamment la gestion de projet, mais également sur son application « locale » (par exemple, aux Etats-Unis et en Allemagne, au Canada ou en Grande-Bretagne… sans parler de la France). C’est le cas du BCS, qui est très présent en UK, tant au sein des entreprises que dans la demande de certification des BA anglais eux-mêmes.
  • Deuxièmement, comme c’est le cas pour toute Organisation d’une certaine taille, certains membres ont fini par être en désaccord avec l’évolution stratégique de leur association, et ont donc fondé leur propre schéma (IQBBA par exemple, donc le corpus de connaissance est néanmoins totalement basé sur le BABOK).
  • Enfin, certaines institutions majeures, comme le PMI en gestion de projet, en faisant évoluer leurs propres pratiques, ont constaté certaines adhérences avec la business analyse. La demande grandissante de leurs membres pour une certification à la BA a également été un moteur pour créer leur propre schéma de certification à l’analyse d’affaires.

Comment fonctionnent les schémas de certification à la Business Analyse ?

Plus une association a de membres, plus sa norme se diffuse et devient prédominante sur les autres standards éventuellement existants. Certaines se professionnalisent, en salariant des collaborateurs, mais leur base est largement composée de très nombreux bénévoles.

Pour reprendre l’exemple de IIBA, le chapitre français dont je fais partie est composé de bénévoles (souvent des Business Analysts), qui donnent gratuitement leur temps et leur expertise pour aider à développer les standards IIBA auprès des entreprises, administrations, organismes de formation et évidemment, des BA eux-mêmes.

Pour attirer les nouveaux membres et fidéliser les anciens, chacun des schémas de certification propose donc des avantages. En échange d’une cotisation annuelle, les membres ont accès à des produits, services et ristournes divers et variés.

Il peut s’agir par exemple, de l’accès à une libraire de ressources digitales, à des recommandations de lecture avec des tarifs “spécial adhérent”, un accès aux webinaires à des tarifs préférentiels ainsi qu’à des publications PDF, à des articles, vidéos, podcasts, à la newsletter etc. (essentiellement en anglais)

Quel schéma de certification choisir ?

Maintenant, la question que vous vous posez peut-être est de savoir à quel schéma vous adresser pour mettre en place la Business Analyse dans votre entité – si vous représentez une Organisation – ou pour vous former à la norme qui vous correspond le mieux si vous êtes Business Analyst.

Premier critère : votre domiciliation

Un premier critère à prendre en compte est votre lieu d’habitation.  Si vous avez un chapitre local dans votre pays (voire plusieurs, comme au Canada, aux Etats-Unis, en Suisse), la proximité avec un réseau de BA parlant votre langue et connaissant les problématiques du marché de l’emploi auxquelles vous-même faites face est un avantage certain. En effet, beaucoup de Business Analysts travaillent dans une certaine solitude, et recherchent une communauté avec laquelle échanger.

En outre, plus le chapitre local aura de membres, plus il aura de poids auprès de la maison-mère pour déclencher certaines actions qui vous seront, à terme, profitables. Par exemple, la traduction dans la langue du pays du chapitre des ressources et matériels de certification (il est plus confortable et sécurisant d’apprendre et de vous certifier dans votre langue natale que de le faire en anglais).

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Si vous habitez un pays qui ne comporte pas de chapitre local, ce qui est souvent le cas dans bien des pays d’Afrique, je vous conseille de choisir un chapitre dont les caractéristiques se rapprochent le plus de celles de votre marché. Effectuez votre sélection également en fonction de la langue d’usage et, si possible, veillez à ce qu’il n’y ait pas trop de décalage horaire afin de participer plus aisément aux événements en ligne.

Second critère : la popularité du schéma de certification auprès des Organisations

L’IIBA est très populaire dans le monde entier, mais en particulier aux USA, au Canada, en Afrique du Sud, ou encore en Inde. Dans ces pays, c’est vraiment l’institution phare en Business Analyse.

Le PMI, de son côté, est extrêmement connu par les acteurs de la gestion de projet. Former et certifier les chefs de projets est d’ailleurs son cœur de métier. Le PMI a évolué au cours de ces dernières années en ajoutant un standard de business analyse à celui, historique, de la gestion de projet. C’est finalement assez naturel, car BA et CP font en quelque sorte partie de la même fratrie quand on évoque les rôles des acteurs clés d’un projet. Le Business Analyst et le Chef de Projet s’alimentent réciproquement et c’est leur interactivité qui garantit le succès d’un projet.

Indéniablement, le PMI est beaucoup plus populaire que l’IIBA dans le monde, car cette association est aussi bien plus ancienne (1969). Environ 3 millions de chefs de projets sont certifiés PMP et appliquent les préceptes du PMBOK Guide (le corpus de connaissances du PMI pour les chefs de projet).

Ensuite, on a le BCS. Ce schéma de certification est très populaire en Grande-Bretagne, son pays d’origine et son rayonnement est très spécifique à cette région géographique. En effet, pendant longtemps, pour obtenir une certification BCS, il fallait que le candidat se déplace physiquement dans leurs locaux, basés un peu partout en UK. Donc forcément, si vous n’y habitiez pas, il vous était plus difficile d’être certifié BCS.

En Allemagne, son pays de naissance, l’IREB – bien que n’étant pas à proprement parler un schéma de certification à la Business Analyse – est très populaire auprès des entreprises et donc des candidats.

En Inde, on retrouve majoritairement IIBA, au Luxembourg IQBBA est assez recherché etc.

Troisième critère : la vision de la Business Analyse vue par le schéma de certification

Néanmoins, si le PMI est effectivement sans doute plus connu qu’IIBA, cela reste surtout vrai dans le périmètre de la gestion de projet, et non de celui de la Business Analyse.

Son approche de l’analyse métier est différente de celle retenue par IIBA. Si cette dernière voit le BA comme un conseiller travaillant de concert avec le chef de projet et les managers (MOA comme MOE), le PMI le perçoit plutôt comme un subordonné du chef de projet. Normal, me direz-vous, puisque tout part du cœur de métier du PMI qui est la gestion de projet.

De plus, si vous rejoignez un chapitre local du PMI, sachez que les Business analysts y sont archi minoritaires. Vous aurez donc face à vous des chefs de projets, et non des Business Analysts – à réfléchir si pour vous, l’échange avec des pairs est important.

En tant que Business Analyst expérimentée ayant travaillé depuis la première phase d’idéation (avant le lancement d’un projet) jusqu’au cycle d’amélioration continue, je me sens plus proche des standards IIBA que de ceux du PMI. En revanche, il est intéressant de prendre en compte la Business Analyse dans le cadre de la gestion de projet et notamment, des approches agiles, ce que fait très bien le PMI.

Je vous conseille donc de bien vous imprégner de l’état d’esprit de chacun des différents schémas de certifications avant de faire votre choix.

Quatrième critère : les certifications proposées par le schéma certificateur

Un autre élément important concerne les certifications proposées.

Si vous êtes débutant, ou que vous n’avez pas encore commencé votre vie professionnelle, vous ne pouvez pas vous certifier partout. Par exemple, le PMI-PBA requiert un certain nombre d’années d’expérience dans la business Analyse, tout comme le CCBA et le CBAP de IIBA.

Dans ce cas, vous devrez vous orienter vers l’ECBA de IIBA, la certification Niveau Fondation de IQBBA ou celle de l’IREB si vous souhaitez vous spécialiser dans l’ingénierie des exigences.

Notez également que la Business Analyse est comme de nombreux métiers, en constante mutation.

IIBA propose donc également des certifications spécialisées dans les Data Analytics (Business Intelligence et manipulation des data), et en cyber sécurité (toujours axée sur la plus-value de la Business Analyse, bien entendu), ainsi qu’une certification de Business Analyst dans un contexte agile (certification AAC).

Le PMI propose également une certification très pointue (davantage que celle d’IIBA) en agilité.

L’IREB vous permet de vous spécialiser en ingénierie des exigences grâce à sa certification CPRE.

Enfin, pour les Business Analysts spécialisés dans le test logiciel, vous pouvez compléter vos fondamentaux en analyse d’affaires avec une certification ISTQB.

Cinquième critère : les avantages proposés aux membres

Si vous avez short listé deux schémas de certification et que vous hésitez toujours, pensez à regarder en détail les avantages accordés aux membres.

Ressources digitales gratuites, webinaires, podcasts, vidéos, articles, ristournes, tarifs préférentiels accordées aux adhérents sur le coût d’une (re)certification et bien entendu, coût d’une adhésion : tous ces facteurs peuvent faire pencher la balance pour l’un ou l’autre de ces schémas certificateurs.

En résumé

Pour sélectionner le schéma certificateur le plus approprié à vos besoins – que vous soyez un particulier ou une entreprise – passez soigneusement en revue ces 5 critères :

  • Votre lieu de domiciliation
  • La popularité du schéma de certification auprès des Organisations de votre pays
  • La vision de la Business Analyse vue par le schéma de certification
  • Les certifications proposées par le schéma certificateur
  • Les avantages proposés aux membres

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Alice Svadchii
Alice Svadchii
Auteure du blog et Business Analyst enthousiaste
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Alice Svadchii

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Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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