Qui n’a jamais été confronté(e) à des attentes irréalistes, comme des dates limites ou des exigences de qualité impossibles à satisfaire ?
C’est justement le cas de Jean, dont la patience avec son client est précisément à bout. Ce dernier vient de lui envoyer un courriel, demandant d’avancer la date limite de livraison du produit qu’il développe pour son entreprise. Même en travaillant 24 heures sur 24 ou en se faisant assister de 3 personnes de plus – et en admettant que son entreprise accepte d’augmenter l’enveloppe budgétaire initialement allouée, il lui est impossible de livrer le produit à temps.
Heureusement, une approche en 3 étapes peut l’aider à faire face cette situation désagréable.
Les attentes irréalistes sont fréquentes
Le dilemme de Jean est un problème fréquemment rencontré par les organisations, reflétant le modèle des triples contraintes de la gestion de projet (également appelé “Triangle de fer”).
En effet, suivant ce modèle, l’entreprise prestataire s’engagerait à bien réaliser le produit, le service ou le résultat demandé par le client, ceci rapidement et à bas prix. Cette triple contrainte étant souvent irréaliste, il existe fréquemment une clause officieuse et cachée qui pourrait stipuler ceci : “En revanche, comme nous ne pouvons pas faire tout cela à la fois, merci de choisir deux priorités sur ces objectifs de qualité, de délai, et de prix. “
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Les projets réalisés rapidement et à moindre coût, par exemple, ne seront pas forcément de grande qualité. Mais avec un budget plus important et de meilleures ressources, un travail de qualité peut être réalisé plus rapidement. Et la réalisation d’un résultat hautement qualitatif, associé à un petit budget, prendra généralement beaucoup de temps.
De leur côté, les clients (externes ou internes) exigent un travail de qualité, produit très rapidement, et distribué à un prix très bas. La question est donc de savoir comment faire pour gérer des attentes irréalistes de ce type et malgré tout, satisfaire vos clients ?
Dans cet article, je vous propose une approche en trois étapes qui peut vous aider à gérer ces demandes déraisonnables.
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Première étape : comprendre le problème du client
Tout d’abord, acceptons le fait qu’il est tout naturel de se sentir agacé ou stressé lorsque nous recevons une demande a priori déraisonnable. Qu’elle émane de notre manager, d’un collègue, d’un fournisseur ou d’un client final, une réclamation soudaine d’en faire plus, ou plus vite, ou mieux pour le même prix, est au minimum déstabilisant.
Attente irréaliste? Expliquez-en l’impact
La première réaction pour faire baisser notre agacement est de nous rappeler que notre interlocuteur n’essaie pas délibérément de nous compliquer la vie (même si cela peut arriver). En réalité, il est vraisemblable qu’il ne comprend simplement pas l’impact que sa demande aura en termes de qualité, de budget ou de temps.
Nous savons peut-être que sa demande est irréaliste, mais pas lui.
Donc, même si nous nous sentons frustrés, en colère ou stressés, nous devons faire de notre mieux pour rester calme et professionnel. Une maîtrise émotionnelle de nos émotions vous permettra de garder le contrôle et d’éviter que la situation ne s’aggrave si les échanges ou les négociations deviennent tendus.
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Expliquez à votre interlocuteur en quoi ses attentes sont irréalistes
Essayez de comprendre pourquoi votre client estime que sa demande est raisonnable. Écoutez-le activement et regardez le problème à travers ses yeux. Subit-il la pression de ses supérieurs, de ses propres clients ou fournisseurs ? Est-il pleinement conscient des procédures que vous devez suivre pour le satisfaire?
Ouvrez la porte à la négociation
En vous mettant à sa place, tentez de voir comment il serait possible de résoudre son problème. Exprimez votre empathie en lui disant que vous comprenez l’importance de sa demande. Mettez en avant l’impossibilité à faire évoluer le calendrier en l’état, mais ne clôturez pas sur un refus pur et simple.
Ouvrez la porte à une négociation, en lui demandant s’il y a autre chose que vous pouvez faire pour améliorer sa situation.
De cette manière, vous permettez à chaque partie de réfléchir à des solutions alternatives – qui dépassent la demande irréaliste initiale de votre interlocuteur – et vous évitez une rupture de communication préjudiciable.
Deuxième étape : expliquez votre situation
Face à une demande apparemment irréaliste ou irréalisable, la première chose à faire est de vous assurer que votre compréhension de ladite demande est correcte.
Vérifiez vos obligations
Vérifiez ensuite que votre refus éventuel n’enfreindrait pas les termes du contrat qui vous lie au client, ou la description de vos responsabilités de votre fiche de poste.
Le cas échéant, rappelez cet accord à votre interlocuteur.
Et si vous êtes incertain(e) quant au périmètre de vos obligations, pourquoi ne pas demander l’avis d’un(e) collègue plus expérimenté(e) ? Il/elle a peut-être une solution alternative à laquelle vous n’avez pas encore pensé.
Tentez une résolution pacifique
Si cette piste échoue, il est nécessaire et plus productif de discuter franchement avec votre client afin de lui expliquer votre décision. Malgré le stress ou l’agacement éventuellement ressenti de devoir vous justifier alors que vous vous sentez injustement acculé(e), faites en sorte de rester amical(e), mais ferme.
Oui, je sais, cela peut être difficile, mais être désagréable fermera la porte à toute résolution pacifique du problème de votre interlocuteur, et vous sera par la suite préjudiciable, directement ou indirectement.
Soyez amical mais ferme
Expliquez votre situation de manière claire et compréhensible. Évitez d’utiliser du jargon ou des excuses générales du type “Je suis désolé, mais nos systèmes ne le permettent pas”. Votre client ne connaît rien à “vos systèmes”, et il est probable que cela ne l’intéresse pas. A la place d’explications trop vagues, fournissez-lui autant d’informations que possible sur les processus que vous utilisez et les contraintes auxquelles vous devez faire face.
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Privilégiez la transparence
Si le problème est lié au budget, soyez aussi transparent que possible sur les coûts impliqués et expliquez pourquoi certaines ressources coûtent ce qu’elles coûtent. Bien sûr, on ne vous demande pas de communiquer des informations confidentielles, le but est juste de faire comprendre au client que votre marge de manœuvre est limitée.
Utilisez un langage neutre
Si votre client ne comprend toujours pas pourquoi vous ne pouvez pas faire ce qu’il veut, et que son comportement « dérape », restez professionnel et évitez de réagir à son éventuelle impolitesse.
Pour réussir ce délicat exercice, les techniques de dépersonnalisation de la situation peuvent également être utiles. Par exemple, au lieu de dire « je » ou « moi », employez le « nous » : « Notre accord initial ne couvrait pas ce point, mais si vous pouvez attendre une semaine de plus, nous pouvons vous remettre ce document d’ici vendredi prochain ».
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Respectez les bonnes pratiques MOA/MOE
Le prérequis est naturellement un contrat accepté et validé par le client avant le début de la réalisation des travaux ou du service. Je peux donner l’impression d’enfoncer une porte ouverte, mais dans la réalité, bien des fournisseurs commencent à travailler pour leurs clients sans contrat validé et signé !
Tenir régulièrement informé le client (ou votre manager) de l’avancement du projet ou de vos activités est également une bonne pratique permettant d’éviter des mauvaises surprises de part et d’autres.
Troisième étape : résoudre le problème de fond
Une fois que vous avez expliqué votre situation à votre client et la raison pour laquelle vous ne pouvez satisfaire sa demande en l’état, essayez de l’aider à résoudre son problème. Evidemment, il est tentant de penser que cela ne vous concerne plus. Mais en réalité, en laissant votre client ou manager avec son problème entier et irrésolu sur les bras, vous risquez de récolter tôt ou tard des réactions instinctives d’attaque ou de défense de sa part.
Utilisez l’une de ces 4 stratégies
Le plus efficace est donc de vous mettre dans une posture d’écoute et d’assistance, en utilisant l’une des 4 stratégies suivantes :
- Trouver une solution gagnant-gagnant
- Faire de votre solution une offre exceptionnelle
- Refuser poliment
- Vous éloigner
La solution “gagnant-gagnant”
Une fois que vous comprenez le problème de fond de votre client et que lui-même accepte votre position, vous pouvez commencer à travailler ensemble pour trouver une solution gagnant-gagnant. Par exemple, vous pouvez l’aider à hiérarchiser les fonctionnalités attendues de votre produit, et lui proposer de livrer les plus urgentes en priorité pour respecter son nouveau délai. Ou encore, proposer un service moins complexe et donc moins coûteux, mais néanmoins satisfaisant.
Assurez-vous tout-de-même que les alternatives que vous proposez sont bien réalisables, avant de les suggérer.
La solution « offre exceptionnelle »
Si vous dérogez au contrat initial pour trouver une solution à votre client, c’est sans doute que celui-ci est suffisamment important pour votre entreprise pour que vous envisagiez de faire une entorse à la règle.
Toutefois, pour ne pas ouvrir la porte à d’autres demandes similaires ultérieures de la part de ce client ou d’autres, ayant eu vent du traitement de faveur, montrez-vous prudent.
Précisez clairement qu’il s’agit d’une offre exceptionnelle, et le client appréciera d’autant plus votre effort. Cela peut dans de nombreux cas contribuer positivement à votre relation sur le long terme.
La solution du refus poli
Dans le cas où il est impossible de trouver une solution gagnant-gagnant, soyez transparent et honnête avec votre interlocuteur. Ne vous engagez en aucun cas à répondre à une demande que vous ne pouvez pas satisfaire, cela ne fera qu’aggraver la situation et pourrait nuire à votre relation à long terme.
Inutile bien sûr d’être agressif lorsque vous refusez sa demande (certain.e.s le sont, par pur réflexe d’autodéfense). Être ferme et poli est suffisant. Remerciez le client pour son engagement initial envers vous et soulignez que si vous pouviez obtenir ce qu’il demande, vous le feriez avec plaisir.
Comprenez que ce n’est pas parce que vous ne pouvez satisfaire la demande irréaliste de votre client (ou manager) que cela conduit à mettre fin à votre contrat commercial ou de travail. En fait, cela pourrait n’être que le début d’une autre phase de négociation fructueuse. Imaginez pas exemple que la demande irréaliste ponctuelle cache un besoin caché récurrent chez vos clients : vous pourriez dans ce cas mettre sur pied une offre commerciale pérenne !
La solution de l’éloignement
Dernier recours : mettre fin à la relation.
Parfois, quoi que vous fassiez, vous vous rendez compte que votre client (ou manager) ne veut tout simplement pas entendre raison.
S’il continue à exiger plus que ce que vous pouvez fournir, ou s’il devient agressif ou impoli, il est peut-être préférable de terminer ce qui a été initialement prévu, dans les termes du contrat signé, et de mettre fin à la relation.
Soyez poli mais ferme, et suggérez au client de trouver un autre fournisseur. A ce stade où la situation apparaît comme définitivement bloquée, votre refus peut même l’inciter à reconsidérer sa demande.
Laissez donc la porte ouverte aussi longtemps que possible après avoir expliqué la situation. Dans le cas d’une relation commerciale, attention à ne pas vous faire « by-passer » par vos supérieurs hiérarchiques : vérifiez donc toujours leur soutien avant de mettre fin à la relation avec votre client irascible 😊.
Conseil
Certaines personnes peuvent parfois dépasser les bornes et devenir agressives ou impolies sans s’en rendre compte. Cela ne signifie pas systématiquement que vous devez mettre fin à la relation. Si votre client se comporte ainsi, restez professionnel et soulignez que, même si vous êtes prêt à faire tout votre possible pour satisfaire sa demande, vous n’accepterez aucune intimidation ni comportement irrespectueux de sa part. Dans la plupart des cas, votre client s’excusera de s’être mal fait comprendre (à défaut de s’excuser de son comportement !).
En synthèse
Certains clients (ou managers) veulent tout, tout-de-suite, et si possible gratuitement.
Face à des demandes soudainement devenues irréalistes ou impossibles à satisfaire, restez calme et professionnel. Tentez de découvrir la racine du problème en pratiquant une écoute active et en faisant preuve d’empathie.
Expliquez clairement votre propre position. Précisez que vous ferez tout ce que vous pourrez pour l’aider, tout en vous assurant que votre interlocuteur comprend les limites de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas. Pour ce faire, partagez les informations non confidentielles avec lui et les problématiques auxquelles sa demande vous confronte.
Ensuite, travaillez ensemble à la résolution du problème de votre interlocuteur. Essayez de trouver une solution qui vous convienne à tous les deux, ou envisagez de faire une exception pour lui – juste pour cette fois. Si ce n’est pas possible et que vous n’êtes pas en mesure de répondre à sa demande, vous devrez peut-être la refuser ou atténuer le risque d’une relation commerciale compliquée en y mettant fin.