5 techniques pour poser les bonnes questions (et obtenir les bonnes réponses)

Le principe GIGO – “Garbage in, garbage out”, fréquemment employé en mathématiques et en informatique, signifie littéralement que la présence d’erreurs dans les données de départ aboutit la plupart du temps à un résultat incorrect.

En Business Analyse, et d’une manière générale, dans toutes les disciplines utilisant la communication, ce même principe s’applique : si vous posez les mauvaises questions, vous obtiendrez très probablement de « mauvaises » réponses.

Savoir questionner est au cœur des compétences phares en business analyse, car l’information que nous recueillons auprès des parties prenantes se doit d’être exacte, claire, et non ambiguë.

L’élicitation des besoins métiers, lorsqu’elle est bien réalisée, nous permet de recueillir les besoins racines, que nos contributeurs savent devoir exprimer lors des ateliers de travail. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg des informations qui nous serviront par la suite dans nos analyses et nos recommandations : il existe tout un monde sous-marin composé de besoins non exprimés, latents, inconscients et cachés, que le Business Analyst doit savoir explorer.

Il est donc primordial de savoir poser les bonnes questions, adaptées à une situation particulière et à des contributeurs précis.

Parfois, on me demande si je possède une trame de questions universelles à réutiliser lors de mes ateliers de travail. A mon humble avis, je pense que cela n’existe pas, car chaque contexte est unique, tant sur le plan humain, que technologique, sectoriel ou méthodologique.

En revanche, maîtriser les techniques de questionnement est indispensable non seulement pour recueillir des informations pertinentes, mais également pour établir les bases d’échanges constructifs et exploratoires avec nos contributeurs. C’est ce qui nous permet de découvrir au fur et à mesure des discussions l’ensemble des besoins exprimés et non exprimés.

Ce que j’aime en analyse d’affaires, c’est que notre discipline est au carrefour de nombreuses compétences, et que, à ce titre, nous disposons d’un immense réservoir de techniques et méthodes que nous pouvons emprunter ailleurs.

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Et quoi de mieux, en matière de techniques de questionnement, que de regarder du côté des approches commerciales ?

Dans la suite de cet article, je vous propose donc d’explorer quelques-unes des techniques courantes utilisées par les commerciaux pour en savoir plus sur leurs prospects et clients. Je vous invite ensuite à vous les approprier pour préparer et dérouler avec succès vos séances de recueil des besoins auprès de vos contributeurs.

Lire aussiComment bien préparer un atelier de recueil des besoins

Questions ouvertes et fermées

Une question fermée attend généralement un seul mot ou une réponse très courte et factuelle. Par exemple, “Avez-vous soif ?” – la réponse est “Oui” ou “Non” ou “je ne sais pas”. “Où habitez vous ?” La réponse est généralement le nom de votre ville ou votre adresse.

Les questions ouvertes ouvrent le champ des possibles, et laissent la liberté à la personne interrogée d’élaborer une réponse plus longue. Elles commencent généralement par “Quoi”, “Pourquoi” et “Comment”. Une question ouverte demande à la personne interrogée de livrer ses connaissances, son opinion ou ses sentiments. Les questions commençant par “Dites-moi” et “Décrivez” peuvent également être utilisées.

Voici quelques exemples que vous pourriez trouver dans le cadre d’un atelier de travail avec des contributeurs :

  • Décrivez-moi les étapes qui suivent la réception d’une nouvelle commande.
  • Pourquoi n’êtes-vous pas satisfait du logiciel actuel ?
  • Comment contournez-vous le fait que vous ne puissiez faire telle action avec le logiciel ?

Les questions ouvertes sont notamment utiles pour :

  • Développer une conversation ouverte avec des contributeurs : “Comment s’est passée la mise en place de la nouvelle procédure interne ? »
  • Obtenir plus de détails : “A votre avis, que devrions-nous faire pour que le nouveau logiciel vous aide à travailler plus efficacement ?”
  • Découvrir l’opinion ou les problèmes de la personne interrogée : “Que pensez-vous de ces changements ?”

Les questions fermées sont utiles pour :

  • Tester votre compréhension, ou celle de l’autre personne : “Donc, si je fais telle tâche, j’obtiendrai systématiquement tel résultat ? »
  • Conclure une discussion ou prendre une décision : “Maintenant que le contexte et les enjeux économiques sont clairs pour tout le monde, sommes-nous tous d’accord pour valider la nécessité de lancer ce projet d’amélioration des processus ? « 
  • Fixer un cadre : “Etes-vous satisfait de la qualité de service de votre entreprise ? »

Une question fermée mal placée, en revanche, peut littéralement « tuer » la conversation et entraîner des silences gênants. Il est donc préférable de l’éviter lorsque la conversation est en cours.

Les questions en entonnoir

Cette technique consiste à commencer par des questions générales, puis à descendre à un niveau de granularité plus fin, sur des points plus spécifiques. En général, il s’agit de demander de plus en plus de détails à chaque niveau.

Le Business Analyst se mue souvent en Sherlock Holmes quand il s’agit d’explorer les besoins cachés, latents, inconscients non exprimés.

Eh bien sachez que cette technique de questionnement en entonnoir est souvent utilisée par les policiers qui recueillent la déclaration d’un témoin :

“Combien de personnes étaient impliquées dans la bagarre ?”

“Environ dix.”

“C’était des enfants ou des adultes ?”

“Surtout des enfants.”

“Quel âge avaient-ils ?”

“Environ quatorze ou quinze ans.”

“Est-ce que l’un d’entre eux portait quelque chose de particulier ?”

“Oui, plusieurs d’entre eux avaient des casquettes de baseball rouges.”

“Vous souvenez-vous s’il y avait un logo sur l’une de ces casquettes ?”

“Maintenant que vous en parlez, oui, je me souviens avoir vu une grande lettre N.”

Grâce à cette technique, l’inspecteur a aidé le témoin à revivre la scène et à se concentrer progressivement sur un détail utile. Peut-être sera-t-il ensuite capable d’identifier les jeunes portant des casquettes de baseball rouges à partir des images de vidéosurveillance. Il est peu probable qu’il aurait obtenu cette information s’il avait simplement posé une question ouverte du type “Pouvez-vous me donner des détails sur ce que vous avez vu ?”.

Conseil

Lorsque vous utilisez le questionnement en entonnoir, commencez par des questions fermées. Au fur et à mesure que vous progressez dans l’entonnoir, commencez à utiliser des questions plus ouvertes.

Les questions en entonnoir sont utiles pour :

  • Obtenir plus de détails sur un point précis
  • Susciter l’intérêt ou renforcer la confiance de votre interlocuteur : « Avez-vous utilisé le chatbot du site internet ? », « A-t-il résolu votre problème ? », « Quel a été le comportement de l’opérateur qui a ensuite pris votre appel ? »

Les questions d’approfondissement

Poser des questions d’approfondissement est une autre technique pour obtenir plus de détails.

Parfois, il suffit de demander à votre interlocuteur de vous donner un exemple, pour vous aider à comprendre une information qu’il vous a donnée.

Dans d’autres cas, vous avez besoin de renseignements supplémentaires pour :

  • Obtenir des éclaircissements : « Quand avez-vous besoin de ce rapport et avez-vous besoin de voir un aperçu avant de le générer dans le logiciel ? »
  • Vérifier la réalité de certaines affirmations : « Comment savez-vous que le nouveau CRM ne peut pas être utilisé par les commerciaux ? »

Un moyen efficace d’approfondir la question est d’utiliser la méthode des “5 Pourquoi”, qui peut vous aider à trouver rapidement la racine d’un problème.

Conseil

Vous pouvez utiliser le mot “exactement” pour approfondir le sujet : “Qu’entendez-vous exactement par “fast-track” ?” ou “Qui, exactement, a besoin de ce rapport ?”

Les questions d’approfondissement sont utiles pour :

  • Obtenir des éclaircissements, vous assurer que vous avez bien la « photo » de toute l’histoire et que vous comprenez parfaitement de quoi il retourne.
  • Obtenir (soutirer, diraient les policiers…) des informations de contributeurs récalcitrants, qui tentent de cacher des renseignements.

Lire aussiComment gérer un contributeur difficile

Les questions suggestives

Les questions suggestives visent à amener votre interlocuteur à adopter votre façon de penser, et ce, de plusieurs manières :

  • Avec une présupposition : « Avec combien de retard pensez-vous pouvoir mettre en production le nouveau logiciel ? ». Ce qui suppose, dans ce cas précis, que le projet ne sera certainement pas terminé à temps.
  • En ajoutant « n’est-ce-pas » (ou équivalent), à la fin d’une affirmation, afin d’inciter votre interlocuteur à la valider : « Le nouveau logiciel est mieux que l’ancien, n’est-ce-pas ? » ou « La procédure n°2 est très complète, pas vrai ?”.

En formulant la question de manière que la réponse “la plus facile” soit positive, nous utilisons la tendance naturelle des gens à préférer dire oui plutôt que non. Pour reprendre l’exemple précédent, si vous demandez « Approuvez-vous la mise en place de la procédure n°2 ? », vous aurez moins de réponses positives que la formulation suggestive « La procédure n°2 est très complète, pas vrai ?”.

Une autre technique suggestive consiste à faire en sorte que votre interlocuteur s’approprie votre question. Par exemple, « Voulez-vous que je poursuive en utilisant la procédure n°2 ? » plutôt que “Dois-je choisir la procédure n°2?”.

Autre méthode de suggestion : donner aux gens le choix entre deux options acceptables plutôt que de proposer une unique possibilité, voire aucune. En effet, le choix “ni l’un ni l’autre” est toujours possible lorsque vous demandez “Que préféreriez-vous… A ou B ?” – même si la plupart des gens choisiront l’une ou l’autre des options proposées.

Notez enfin que les questions suggestives ont tendance à être fermées.

Les questions suggestives sont intéressantes pour :

  • Obtenir la réponse que vous souhaitez, tout en laissant à votre interlocuteur l’impression qu’il n’a pas le choix.
  • Conclure une négociation : “Si cela répond à toutes vos questions, pouvons-nous convenir d’un calendrier de mise en œuvre ?”

Conseil

Les questions suggestives sont fréquemment utilisées par les personnes peu scrupuleuses pour arriver à leurs fins. Utilisez-les donc avec précaution, en gardant toujours en tête que nous œuvrons pour le bien de l’Organisation cliente et des utilisateurs finaux de la solution à mettre ne place. La manipulation ou la malhonnêteté n’ont pas leur place dans notre posture de conseillers avisés.

 

Les questions rhétoriques

Les questions rhétoriques ne sont pas vraiment des questions, dans la mesure où elles n’attendent pas de réponse. Il s’agit simplement d’affirmations formulées sous forme d’interrogations : “Vous ne trouvez pas que cette nouvelle application est géniale ? »

Lire aussiComment réussir à convaincre [Le triangle rhétorique]

Utiliser les questions rhétoriques est une façon d’engager notre interlocuteur, qui est amené à donner son accord (“Oui, c’est vrai, je l’utilise tous les jours”). C’est différent d’une simple affirmation, qui peut lui donner l’impression qu’on lui impose ou dicte quelque chose. Par exemple, à « cette application est géniale », notre interlocuteur pourrait être tenté de rétorquer « n’exagérons rien, elle est pas mal mais d’autres font aussi bien ».

Conseil

Les questions rhétoriques sont encore plus puissantes lorsqu’elles sont utilisées en série. Par exemple : « N’est-ce-pas que cette application est géniale ? Vous ne trouvez pas qu’on gagne beaucoup de temps ? C’est incroyable ce qu’elle me facilite la vie, pas vous ? Vous n’aimeriez pas qu’on en propose l’usage généralisé dans l’équipe ? »

Les questions rhétoriques sont donc une bonne méthode pour :

  • Susciter l’intérêt de votre interlocuteur
  • Faire en sorte que votre auditoire adhère à votre point de vue.

Utiliser les techniques de questionnement en Business Analyse

Vous avez probablement déjà utilisé toutes ces techniques de questionnement dans votre vie quotidienne ou dans la pratique de votre métier de Business Analyst. Mais en les appliquant consciemment, en fonction du contexte, cela vous permet d’obtenir l’information, la réponse ou le résultat que vous souhaitez de manière encore plus efficace.

Maîtriser les techniques de questionnement est un moyen puissant pour :

  • Apprendre / s’informer
  • Établir un lien avec ses interlocuteurs
  • Manager et coacher
  • Éviter les malentendus et les ambiguïtés
  • Désamorcer les tensions entre / avec les contributeurs
  • Persuader

Derniers conseils

  • Veillez à donner à votre interlocuteur le temps nécessaire pour répondre. Celui-ci a peut-être besoin d’un petit temps de réflexion, alors n’interprétez pas une pause ou un silence dans la conversation comme une non-réponse ou “pas de commentaire” … et patientez quelques secondes supplémentaires.
  • Un bon questionnement doit s’accompagner d’une écoute attentive afin que vous compreniez ce que les gens veulent vraiment dire dans leurs réponses.
  • Enfin, n’oubliez pas la communication non verbale : votre langage corporel ainsi que le ton de votre voix peuvent également influencer les réponses de vos interlocuteurs.

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Alice Svadchii
Formatrice, conférencière et Business Analyst enthousiaste!
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Alice Svadchii

Alice Svadchii

Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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