Biais cognitif: attention au biais de récence ! (Savoir communiquer)

Imaginez que vous deviez travailler avec quelqu’un ayant perdu sa mémoire à long terme. En effet, seuls les événements immédiats – qu’ils soient bons ou mauvais – pourraient être pris en compte, et aucun historique ne viendrait éclairer vos prises de décision. Problématique, n’est-ce-pas?

Malheureusement, ce scénario n’est pas une fiction. Il existe en effet un étrange phénomène qui fait des ravages dans le monde professionnel (et personnel): le biais de récence.

Avant de savoir comment vous comporter face à ce biais cognitif, vous devez comprendre ce que c’est. Vous verrez qu’il ne s’agit en réalité que d’un obstacle, mais qu’il faut néanmoins le franchir car l’ignorer est un vrai risque si vous voulez vous assurer d’une bonne collaboration avec vos interlocuteurs.

Le biais de récence : un biais cognitif universel

Le biais de récence est un biais cognitif qui consiste à se remémorer plus facilement les derniers éléments mémorisés plutôt que les premiers.

Une personne ayant un biais de récence croit que ce qui se passe maintenant se passera plus tard ou que cela continuera de se passer, parce qu’elle ne perçoit pas ou ne connaît pas les données historiques. Elle vit donc dans l’ignorance  du caractère cyclique des situations qui se présentent à elle.

Exemple de biais de récence : vos spéculations boursières

Si vous faites partie de celles et ceux qui investissent peu ou prou en bourse, cet exemple vous parlera sans doute. Pensez donc à vos investissements financiers – et partons de l’hypothèse que vous avez un portefeuille bien fourni en divers titres, actions ou participations par exemple. Le marché étant volatil, vous suivez attentivement l’évolution des marchés financiers et des cours de vos titres en particulier. Votre implication émotionnelle est donc loin d’être neutre, et cela peut affecter la manière dont vous réagissez à l’évolution de vos titres. 

Néanmoins, objectivement, ce n’est pas parce qu’une action chute aujourd’hui qu’elle s’effondrera également demain.

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Or c’est l’une des erreurs les plus courantes commises par celles et ceux lorsqu’ils investissent en bourse. Ils vendent lorsque le cours est bas et achètent au prix fort. Quand une action baisse, ils paniquent et quand elle monte, ils veulent absolument l’acquérir. Mais dans les deux cas, ils agissent sous le coup de l’émotion alors que cette décision devrait être au contraire prise de manière dépassionnée.  

Les investissements sont à considérer sur le long terme, or le biais de récence incite les gens à agir précipitamment à court terme.

Soyez donc conscient que nos jugements sont pris à l’aune des événements les plus récents, et que, lors d’une prise de décision, nous leur accordons souvent plus d’importance qu’aux événements plus anciens.

C’est donc réellement problématique, surtout lorsque l’on gère un projet cyclique, avec beaucoup de hauts et de bas, et que l’on doit en reporter à d’autres parties prenantes (managers, clients, collaborateurs…).

La stratégie d’engagement des parties prenantes: un préalable pour gérer le biais de récence

Les projets dépendent souvent de la façon dont les chefs de projets et les Business Analysts gèrent leurs parties prenantes.

Quatre étapes permettent de gérer correctement les intervenants de vos projets :

  1. Identifier qui sont les parties prenantes. Je peux vous assurer que cela n’est pas toujours aussi facile que ça en a l’air, et que, si vous ne prenez pas le temps de le faire correctement au tout début du projet, vous aurez à gérer ou à atténuer des risques qui sans cela, auraient pu être minimisés voire ne pas apparaître du tout.
  2. Une fois que vous savez qui sont vos parties prenantes, il est essentiel de déterminer leur(s) zone(s) d’influence et leur(s) intérêt(s). C’est ce qu’on appelle la cartographie des parties prenantes. Tous les intervenants n’ont pas le même degré d’importance sur un projet, ni n’interviendront sur le même périmètre. Certains ont tout pouvoir pour apporter ou valider des changements dans le pilotage du projet, tandis que d’autres seront plutôt impliqués opérationnellement, et sont parfois même des intervenants clé pour conduire votre projet vers le succès.
  3. Une fois ces intervenants identifiés et cartographiés, vous devez définir une stratégie de communication pour qu’ils se sentent continuellement ou régulièrement impliqués. Malheureusement, cela arrive encore trop souvent de voir des contributeurs sollicités à un moment du projet, puis totalement délaissés, et à qui on demande en plus de se sentir impliqués et proactifs après la mise en production de la solution. Soyez attentif à cette étape, ou votre projet en fera les frais tôt ou tard.
  4. Enfin, une fois que vous avez identifié et cartographié vos intervenants et établi une stratégie de communication avec eux, vous devez vous atteler à les influencer pour accompagner le changement. Si vous omettez ou bâclez cette étape, autant vous dire que tout le travail que vous avez fait jusque-là ne servira à rien.

C’est là que le biais de récence peut se manifester.

Comment le biais de récence impacte la perception des parties prenantes

Pour comprendre comment le biais de récence peut affecter vos parties prenantes, regardez les choses de leur point de vue. La plupart d’entre elles ne sont pas aussi habituées que vous l’êtes avec le projet sur lequel vous intervenez, et c’est tout-à-fait normal. Les parties prenantes n’ont pas besoin de connaître les moindres détails du projet, elles doivent juste être mises au courant de ce qui est important pour elles, quand cela est nécessaire. Leur temps est précieux, et il est contre-productif de les inonder d’informations, il faut donc savoir doser.

Il est difficile pour quelqu’un qui ne participe pas aux activités quotidiennes du projet d’en percevoir avec acuité toute l’ampleur.

C’est la raison pour laquelle les parties prenantes sont plus susceptibles d’agir imprudemment, voire de paniquer, et c’est donc à vous d’apprendre à éteindre l’incendie avant même qu’il n’ait eu le temps de commencer.

Pour atténuer le biais de récence, votre travail consiste donc à tenir les parties prenantes au courant du projet et de son évolution, sans toutefois être trop pessimiste ni, a contrario, trop optimiste.

4 astuces pour contourner le biais de récence

La première chose à faire est de prendre conscience de l’existence du biais de récence. Tout comme vous avez dû identifier les parties prenantes de votre projet, vous devez avoir une idée de qui, parmi ces dernières, est le plus susceptible de le manifester. 

Voici comment contrer ce biais cognitif quand vous constaterez son apparition.

Ayez toujours à portée de main la photo globale du projet

Une façon d’éviter le biais de récence est de garder un œil sur la “big picture” du projet, afin de pouvoir vous référer. Cela fournit le contexte de la situation actuelle, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Chaque nouvelle information influence la vision que les parties prenantes ont de l’ensemble du projet.

Par conséquent, en plus de l’état des lieux instantané, il est important de leur communiquer systématiquement l’aperçu général de l’avancement du projet.

Cela leur permettra de comprendre que tous ces sommets et toutes ces vallées font partie intrinsèque du paysage menant au succès. L’être humain étant visuel, n’hésitez donc pas à user des outils de visualisation de données pour compléter votre présentation orale.

Voir aussiTop 5 des outils de visualisation de données

Soyez ouvert(e) à la discussion

Considérez le biais de récence comme une sorte d’altération du jugement de vos partres prenantes. Par conséquent, les gens qui en subissent l’influence vont avoir tendance à (sur)réagir à court terme et à ignorer le long terme.

Bonne nouvelle: comme vous êtes maintenant au courant de l’existence de ce biais cognitif, vous pouvez prévoir ces réactions à l’avance.

Après avoir communiqué la photo globale de l’avancement, donnez la parole à vos interlocuteurs. Cela sera l’occasion de collecter leurs craintes et leurs attentes, de leur répondre ou d’approfondir certaines thématiques. Donner de l’espace aux gens pour s’exprimer est un facteur clé de succès, dans la mesure bien entendu où vous savez encadrer cette prise de parole.

Voir aussiComment faire en sorte que vos réunions soient productives

N’oubliez pas qu’un intervenant persuadé que le projet va dans le bon sens va lui-même communiquer positivement autour de lui, avec plus d’influence que vous n’auriez sans doute pu en avoir vous-même sur les autres parties prenantes.

Utilisez des indicateurs de performance pertinents

Disposer d’indicateurs clairs et pertinents est une autre manière efficace de contourner le biais de récence. En amont, vous devez donc vous assurer d’avoir mis en place un système de gouvernance, avec d’une part le choix pertinent de ces indicateurs, et d’autre part les moyens de les mettre à jour facilement, de manière à les exposer à vos parties prenantes.

Prenez des notes … et écoutez

J’enfonce une porte ouverte, mais sachez qu’il n’y a pas de mal à prendre des notes… C’est un bon moyen de rappeler ce dont on a pu discuter auparavant, et de resituer les choses dans le contexte.

Enfin, n’oubliez pas que la stratégie d’engagement des contributeurs prend également en compte le bon moment et le meilleur lieu pour communiquer des informations importantes. N’attendez pas la fin de journée ou la fin de semaine, quand vos parties prenantes et vous-même avez une réserve d’énergie basse, pour mettre sur la table des sujets compliqués ou communiquer de mauvaises nouvelles. Trouvez plutôt un moment, par exemple le matin, où tout le monde est frais et dispos, ce qui réduira le risque de réactions épidermiques.

Pour conclure

Le biais de récence est un biais cognitif important à prendre en compte à chaque fois que vous communiquez sur l’avancement d’un projet. Nous avons en effet toutes et tous la fâcheuse tendance d’oublier les événements plus anciens et de ne retenir que les situations les plus récentes. Pour maximiser vos chances d’une bonne communication et éviter à vos interlocuteurs de perdre de vue les réels progrès accomplis, vous pouvez:

  • Rappeler systématiquement la photo globale
  • Prévoir de donner la paroles à vos interlocuteurs 
  • Utiliser des indicateurs de performance pertinents
  • Prendre des notes et écouter attentivement les échanges 

Et vous, avez-vous déjà constaté que vos interlocuteurs avaient la mémoire courte? Comment avez-vous réussi à contourner ou mettre à profit ce biais cognitif ? Vos commentaires sont les bienvenus!

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Alice Svadchii
Alice Svadchii
Auteure du blog et Business Analyst enthousiaste
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Alice Svadchii

Alice Svadchii

Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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