Il faut bien le dire : dans le monde professionnel, le reporting ne fait pas rêver. Bien qu’ayant débuté ma carrière comme contrôleuse de gestion, je ne connais personne qui m’ait annoncé avec fierté faire du reporting. Et pourtant, ce n’est pas qu’une tâche routinière ennuyeuse, et cela ne devrait pas non plus représenter une corvée pour les parties prenantes. Le reporting, c’est une opportunité : celle de fournir des outils de compréhension, d’aider à la prise de décision, et de raconter l’histoire qui se cache derrière les données.
Un bon rapport peut transformer des chiffres bruts en une narration suscitant un fort intérêt, éclairant les décisions des chefs de projets et influençant la stratégie du client. Comme le suggère Seth Godin, expert renommé en communication, la clé réside dans la capacité à captiver son auditoire. Un rapport bien conçu va au-delà de la simple présentation de données : il contextualise, explique et motive.
Le B.A.-BA du reporting: clarté et pertinence des KPIs
Un reporting efficace commence par la clarté et la pertinence des indicateurs qui le composent – j’ai nommé nos amis les « KPI » (Key Performance Indicators).
Les Indicateurs Clés de Performance, ou KPIs (Key Performance Indicators), sont au cœur de tout reporting efficace. Ces indicateurs servent de repères quantifiables pour mesurer l’efficacité, la performance et la progression vers les objectifs spécifiques d’un projet ou d’une entreprise.
Le choix des KPIs est crucial; ils doivent être directement liés aux objectifs stratégiques, tactiques ou opérationnels du projet ou de l’Organisation. Par exemple, pour un projet visant à améliorer la satisfaction client, un KPI pertinent pourrait être le taux de réponses positives dans les enquêtes de satisfaction, ou le taux de fidélisation de la clientèle.
David Parmenter, dans son ouvrage “Key Performance Indicators“, insiste sur l’importance de choisir des indicateurs qui reflètent réellement les objectifs et la performance du projet. Mais il ne s’agit pas seulement de rassembler des données; il s’agit de sélectionner celles qui importent.
Un bon reporting élimine le superflu pour mettre en lumière les informations cruciales. Cette approche permet non seulement de gagner en efficacité, mais aussi de faciliter la compréhension et l’action de la part du chef de projet et du client final.
Les 5 caractéristiques d’un KPI efficace
Des KPIs efficaces sont :
- Mesurables: en d’autres termes, ils doivent fournir des mesures concrètes. Par exemple : taux de conversion, taux de rétention des clients, etc.
- Pertinents : Ils doivent être alignés avec les objectifs et stratégies spécifiques de l’organisation ou du projet.
- Actionnables, c’est-à-dire qu’ils permettent d’identifier les domaines où des actions peuvent être prises pour améliorer la performance ou corriger les dysfonctionnements.
- Réalistes : les KPIs d’un bon reporting doivent permettre de mettre en lumière des attentes claires. D’autre part, la collecte des données brutes doit pouvoir être réalisée avec fiabilité. Si vous n’avez pas mis en place de formulaire de satisfaction, ou que l’échantillon des clients sondés n’est pas représentatif, inutile de faire des extrapolations ou de présenter un KPI basé sur des données incomplètes.
- Limités en nombre : Trop de KPIs dans un rapport peuvent entraîner une dispersion de l’attention et une diminution de leur efficacité. Les experts conseillent donc souvent de se limiter à 7 KPIs pertinents par reporting.
Comment présenter vos KPIs dans le reporting
Dans un reporting, les KPIs doivent être présentés de manière claire et structurée. Il est souvent utile de les accompagner d’analyses brèves expliquant les tendances observées, les causes sous-jacentes des variations et les recommandations d’actions futures. Cela permet non seulement de communiquer les résultats, mais aussi de fournir des insights qui peuvent guider les décisions des chefs de projets, des managers et des clients.
Choisir les bons KPIs et les présenter efficacement dans un rapport est un art en soi, un art qui, lorsqu’il est maîtrisé, transforme les données en outils puissants pour la prise de décision.
En tant que praticiens en Business Analyse, nous pouvons d’ailleurs être appelés sur des missions de gouvernance afin :
- D’identifier les meilleurs KPIs pour un projet, une entreprise ou un service donné,
- De proposer des méthodes de collecte fiable des données brutes,
- De définir les processus et règles métiers de transformation de ces données brutes en indicateurs, guidant les managers dans le pilotage de leur département.
La narration au service du reporting (le « storytelling »)
Les histoires ne sont pas réservées aux enfants. Dans le monde professionnel, c’est ce qu’on appelle, en utilisant le terme anglosaxon, le « storytelling », qu’on rencontre beaucoup dans les domaines de la vente et du marketing.
Alors pourquoi ne pas l’utiliser dans vos reportings ? En effet, c’est un puissant outil pour transformer les données brutes, pas toujours très attractives, en informations suscitant un réel intérêt.
Nancy Duarte, dans “DataStory“, souligne que raconter une histoire avec des données permet non seulement de les rendre plus digestes, mais aussi de les ancrer dans un contexte qui résonne avec le public. Par exemple, si en tant que Business Analyst, on vous demande de présenter vos avancements en regard de la plus-value de la solution cible, cela signifie illustrer comment les KPIs mesurés affectent la valeur apportée au projet, au produit, aux utilisateurs et à l’organisation. Cela peut se traduire par la mise en avant d’un problème résolu grâce aux données, ou par l’illustration de la progression du projet à travers une série d’événements clés. En présentant les données comme une séquence d’événements ou de réalisations, le rapport devient une histoire qui guide le lecteur vers une compréhension plus profonde et un engagement accru.
Et un reporting intégrant une perspective contre-intuitive ?
Adopter une perspective contre-intuitive dans notre reporting peut également s’avérer très intéressant pour capter l’attention des participants.
Évidemment, la plupart d’entre nous préfère afficher ses succès plutôt que les « pain points », la peur d’être jugé n’étant jamais bien loin.
Cependant, au lieu de se concentrer uniquement sur les succès, il est essentiel de rapporter également les défis et les leçons apprises. Comme l’explique Matthew Syed dans “Black Box Thinking“, reconnaître et analyser les erreurs est crucial pour le développement et l’amélioration continue.
Cela signifie inclure dans notre reporting des analyses de ce qui n’a pas fonctionné et pourquoi, ainsi que les ajustements effectués. Cette approche favorise une culture d’apprentissage et d’amélioration au sein de l’équipe et donne une vision plus complète du projet aux chefs de projet et aux clients. Rapporter les échecs, ainsi que les succès, renforce la confiance et encourage une prise de décision plus éclairée.
D’ailleurs, cette rétrospective avec les « lessons learned » est pleinement intégrée aux démarches agiles. Pourquoi donc ne pas utiliser cette approche dans un reporting ?
Bien entendu, plus on est expérimenté, et plus il est aisé d’oser… Et dans certains contextes délétères, tendre le bâton pour se faire battre n’est pas approprié. Mais je fais référence ici à de bonnes pratiques dans une perspective d’amélioration, pour tendre vers l’achèvement des objectifs du projet.
Un bon reporting utilise des éléments visuels et interactifs
Les outils de Business Intelligence rivalisent souvent de tableaux de bord et de jauges plus attrayants les uns que les autres. Quand je repense aux reportings Excel plutôt moches et sérieux que je faisais dans ma première partie de carrière, quand j’étais encore contrôleuse de gestion, je mesure à quel point l’effort des éditeurs de logiciels a porté ces dernières années sur l’aspect esthétique.
De nos jours, on ne considère plus l’utilisation de visuels et d’éléments interactifs comme étant secondaire et superflu. Les chiffres, oui, mais avec des tableaux de bord visuellement attrayants et des infographies peuvent transformer des données complexes peu sexy en informations faciles à comprendre et engageantes.
David McCandless, dans “Information is Beautiful“, illustre comment une présentation visuelle bien conçue peut révéler des patterns et des informations sous-jacentes qui seraient autrement cachés dans des tableaux de données brutes.
En tant que Business Analysts, nous avons un devoir de communication. Autrement dit, transmettre un message clair, tous supports confondus. Ainsi, intégrer des graphiques interactifs et des visualisations dans nos reportings permet non seulement d’attirer l’attention, mais aussi de faciliter l’exploration et la compréhension des données par les chefs de projets, managers, utilisateurs et clients. Cette approche peut transformer la façon dont les informations sont perçues et utilisées, rendant le reporting non seulement informatif mais aussi intuitif et stimulant.
Est-ce à dire que le reporting évolue ?
Je pense que la plupart des éditeurs de logiciels de type BI (Business Intelligence) et la myriade d’ESN spécialisées dans leur implémentation vous le diront : oui, le reporting est en pleine évolution. L’adoption du storytelling, l’utilisation des « lessons learned », ainsi que de visuels et d’éléments interactifs, peuvent transformer un rapport standard en un outil de communication puissant.
Cette (nouvelle ?) ère du reporting va au-delà de la simple transmission de données; elle implique de raconter une histoire, de révéler des tendances, et d’engager les décideurs dans un dialogue constructif. La question qui se pose désormais est de savoir comment ces évolutions vont continuer à façonner la relation entre les conseillers avisés que sont les Business Analysts, et leurs donneurs d’ordre, managers, CEO, et autres utilisateurs finaux.
Seul l’avenir nous le dira…