[Outil] Le recueil des besoins exprimés et non exprimés

Le recueil des besoins métier est une tâche complexe, dont la difficulté varie selon différents facteurs. En effet, outre les besoins exprimés, le Business Analyst doit user de toutes ses compétences relationnelles et comportementales ainsi que de techniques d’élicitation adéquates pour exhumer les besoins latents, inconscients et cachés.  

Pour sécuriser cette activité cruciale en analyse d’affaires, Larry Blankenship propose un outil très intéressant qu’il appelle la “matrice de la connaissance et de la conscience”, que je vous propose de découvrir dans cet article.

Presque tout le monde a déjà vu ou utilisé la matrice de productivité avec les lignes et les colonnes suivantes :

  • Urgent / Pas urgent
  • Important / Pas important
risk management matrix

En effet, s’il est essentiel de nous focaliser sur nos activités « Importantes et Urgentes », il est également nécessaire de prêter attention aux éléments « importants mais non urgents » afin qu’ils ne deviennent pas soudainement urgents et importants. Et enfin, il est pertinent, pour des raisons de productivité, d’éviter de déployer trop d’efforts pour gérer les activités des deux derniers quadrants de la matrice.

Un autre type de matrice peut être utilisé lors de la collecte des exigences. Vous pouvez l’utiliser pour identifier des informations qui, sinon, ne seraient découvertes qu’à la dernière minute, voire après la mise en production d’une application. La voici.

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La loi de Murphy des exigences : les besoins non exprimés sont toujours révélés au moment le plus inopportun

Considérez cette matrice comme une sorte de « Matrice de la Connaissance et de la Conscience ». A l’intersection des lignes « connaissance » et des colonnes « conscience », on trouve l’acteur le plus affecté sur le projet, c’est-à-dire soit le SME, soit le Business Analyst (BA).

Note de bestofbusinessanalyst.fr : Pour mémoire (ou information), on a coutume d’appeler « Subject Matter Expert » (SME) une personne qui fait autorité dans un domaine ou un sujet particulier. Par exemple, un comptable, contributeur sur un projet donné, est un SME car il est expert en comptabilité. Un expert technique dans le logiciel de BI ou l’ERP à déployer est également un SME.

L’hypothèse de base est que, dans tous les cas, les connaissances sont un prérequis nécessaire pour avoir une vue d’ensemble complète des exigences métier.

Matrix connaissance et conscience

Cette idée m’est venue après avoir entendu un commentaire de Donald Rumsfeld alors qu’il était secrétaire à la Défense (Note de bestofbusinessanalyst.fr : des USA, entre 2001 et 2006) :

“Il y a les connaissances connues. Ce sont toutes ces choses que nous savons que nous savons. Il y a aussi les inconnues connues. C’est-à-dire qu’il y a des choses que nous savons ne pas connaître. Mais il y a aussi des inconnues inconnues. Ce sont toutes ces choses dont on ignore même l’existence.”

Le PMI en parle en termes de gestion des risques ; personnellement, je l’utilise pour planifier les entretiens avec les SME.

Les 4 catégories de connaissance et de conscience

Voici les quatre catégories à retenir :

  • Catégorie 1 : Connaissances dont le SME est conscient, c’est-à-dire tout ce qu’il est conscient de savoir et dont il sait que les autres personnes auront également besoin qu’on les leur fasse connaître.
  • Catégorie 2 : Connaissances dont le SME n’est pas au courant que ce sont des connaissances à exprimer. Ce sont toutes ces choses qui sont « intrinsèquement » connues de ceux qui partagent la même expérience, la même formation ou la même profession. Le SME peut donc ne pas se rendre compte qu’il doit en parler au Business Analyst, parce qu’il suppose que tout le monde sait ce qu’il sait. Ou alors, il les maîtrise si bien qu’il n’y pense même pas. Le jargon professionnel (y compris les acronymes), ou encore un processus en place depuis longtemps font typiquement partie de cette catégorie.
  • Catégorie 3 : Connaissances non maîtrisées par le BA et dont il a conscience. Il sait donc qu’il doit poser des questions sur ces sujets pour collecter l’information. Il s’agit le plus souvent de la première ébauche de la trame des questions que la BA rédige en début de projet. Au fur et à mesure que la phase d’élicitation avance, le Business Analyst accroît sa prise de conscience sur ces domaines de connaissance, ce qui lui ouvre d’autres perspectives de questionnement pour approfondir sa compréhension. C’est dans ce contexte que les connaissances non exprimées de la catégorie 2 doivent absolument avoir été identifiées.
  • Catégorie 4 : Connaissances dont le BA ignore même l’existence. Ce sont des informations dont il n’a pas connaissance et dont il ne sait pas qu’il pourrait en avoir besoin. Il peut par exemple s’agir de cas limites, de règles spécifiques ou de combinaisons de données qui ne sont pas communiquées.

D’après mon expérience, les catégories 2 et 4 sont les plus dangereuses, en cela qu’elles peuvent causer de très gros problèmes, quel que soit le contexte.

Ces éléments sont les plus grandes sources de changements de dernière minute, et c’est pourquoi il est de la responsabilité du Business Analyst de les identifier.

Les techniques pour collecter les connaissances

Techniques de la Catégorie 1

La question que j’essaie de poser à la fin de chaque interview est la suivante : “Vous attendiez-vous à ce que je pose des questions que je n’ai pas posées lors de cet entretien ?” Souvent, cela permet d’éliminer les informations que votre interlocuteur (le SME) connaît, mais qu’il a oublié de mentionner au cours de l’entretien.

L’utilisation de la technique d’écoute réflexive permet non seulement de vérifier la compréhension du Business Analyst, mais également d’aider le SME à se rappeler d’autres informations à partager.

Une autre technique que j’aime bien est le « mapping d’exemples », qui illustre les explications de votre interlocuteur à l’aide de règles et d’exemples, ce qui permet en outre de récolter encore plus de détails.

 

Techniques de la Catégorie 2

La plupart des BA connaissent la technique du questionnement « sans ego ».

Note de bestofbusinessanalyst.fr : technique issue de “l’egoless programming”. Même si vous n’en connaissiez pas le nom, je suis sûre que nombre d’entre vous ont déjà intuitivement pratiqué cette technique d’interview…

C’est par exemple utile lorsque vous travaillez avec un interlocuteur extrêmement expérimenté et informé. Le fait d’aborder l’élicitation comme si vous étiez un étudiant en apprentissage, même si vous connaissez bien le sujet, peut souvent rendre ces SME plus conscients de ce qu’ils savent et de la nécessité de le partager.

Voici quelques questions qui peuvent être utilisées pour trouver des cas aux limites, qui ne sont pas évidents de prime abord :

  • Ce processus a-t-il déjà échoué dans le passé ?
  • Que s’est-il passé ?
  • Est-ce que ce problème a pu être résolu sans votre intervention, ou vous avez dû trouver une solution ?
  • Qu’est-ce que tu as fait ?

Une autre façon d’obtenir ces connaissances intrinsèques est d’interviewer un SME expert, accompagné d’un autre collaborateur moins expérimenté de son équipe. Souvent, ce dernier aura besoin de poser ses propres questions, ce qui aura pour effet non seulement de renforcer l’importance perçue des questions posées par le Business Analyst, mais aussi d’inciter le SME le plus expérimenté à fournir des renseignements.

 

Techniques de la Catégorie 3

Cette catégorie est évidemment celle qui constitue la base du travail de tout Business Analyst. Poser des questions et recueillir les réponses est la chose la plus essentielle que nous sommes amenés à faire.  L’outil le plus important dans ce cas est d’avoir une bonne série de questions (Note de bestofbusinessanalyst.fr : et d’une série de bonnes questions…).

Prendre le temps de bien se préparer à l’interview, lire la documentation existante, et faire des recherches terminologiques spécifiques afin d’être capable de parler la même langue que les contributeurs sont des activités pré-requises indispensables à ce cas-ci (Note de bestofbusinessanalyst.fr : pour plus d’information, vous pouvez aussi lire l’article Comment faire en sorte que vos réunions soient productives).

Conservez les questions que vous avez utilisées précédemment dans cette thématique, cela peut vous faire gagner du temps si vous avez besoin de faire une interview avec d’autres experts du même domaine.

Concentrez-vous toujours sur les besoins du SME lors de l’entretien. L’objectif est de vous présenter comme une personne qui peut l’aider à trouver des solutions pour résoudre son problème. Sachez conseiller et inspirer confiance, cela permettra à votre interlocuteur de se sentir plus décontracté et de considérer que vous pouvez lui apporter une aide réelle.

 

Techniques de la Catégorie 4

C’est la catégorie la plus difficile à aborder, pour des raisons évidentes…

Si vous ne savez pas que vous n’avez pas l’information dont vous avez besoin, comment diable êtes-vous censé la demander ? La solution est d’écouter attentivement et de poser beaucoup de questions de suivi.

Note de bestofbusinessanalyst.fr : c’est-à-dire des questions de rebond, notamment en utilisant la « méthode des 5 Pourquoi ».

Soyez attentif aux points suivants :

  • Termes qui ne vous sont pas familiers
  • Références à des personnes ou à des processus dont vous n’étiez pas au courant de l’existence / de l’importance.
  • Réponses trop générales ou trop vagues (Note de bestofbusinessanalyst.fr : ou ambiguës)

Vous pouvez également employer avec succès les techniques de vente. N’hésitez pas à vous documenter sur internet, il y a beaucoup d’articles décrivant comment découvrir les besoins des clients. Utiliser cette approche en interview, au sein d’une entreprise, vous aidera à être perçu comme un allié, comme un conseiller de confiance, permettant de résoudre des problèmes spécifiques.

Cela vous aidera à vous concentrer sur le quoi et le pourquoi, au lieu du comment – la compréhension du processus dans son ensemble est en effet ce qui constitue l’un des apports essentiels du Business Analyst sur un projet.

 

Texte traduit de l’anglais par Best Of Business Analyst, article original de Larry Blankenship publié sous le titre de “the awareness and consciousness matrix”

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Alice Svadchii

Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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