Comment éviter un processus de vérification qui s’éternise

Imaginez : vous venez d’apporter la dernière touche à vos documents, et il ne vous reste plus qu’à faire vérifier et approuver avant de livrer le fruit de votre dur labeur à votre client final. Ce que vous ne savez pas à cet instant précis, c’est que c’est le début d’une boucle de relecture qui va s’éterniser…

Votre manager, à qui vous avez envoyé la version « finalisée », demande à un autre business analyst de l’équipe d’effectuer la vérification croisée. Celui-ci vous suggère quelques changements pertinents, que vous intégrez à votre document avant de le renvoyer pour approbation à votre chef. En le relisant, celui-ci vous fait modifier certaines règles métier et paragraphes qui ne lui paraissent pas assez clairs. Puis, avant de le livrer au client final, il vous demande de recroiser avec les deux « key users » métier. Vous envoyez donc à ces derniers un mail en leur demandant de bien vouloir relire une dernière fois, puis, à réception de leurs (nombreux !) commentaires, vous mettez à jour vos documents.

Votre manager relève trois grossières erreurs (que personne, y compris lui-même, n’avait vu jusqu’à présent), et vous demande pourquoi vous avez modifié les paragraphes X, Y et Z, alors qu’ils étaient très clairs dans votre toute première version. Vous lui montrez alors les commentaires des key users métiers qui justifient les corrections, mais en y réfléchissant à deux fois, il semblerait que certains d’entre eux ne soient pas pertinents au regard du périmètre projet.

La boucle de relecture s’éternise, et vous avez définitivement l’impression d’avoir fait un travail de piètre qualité. Je ne vous raconterai pas la suite, mais si vous êtes comme moi, vous sentez bien que le processus de vérification cloche quelque part…

Dans cet article, je vais vous montrer comment faire en sorte que la phase de vérification se déroule rapidement sans heurts, tout en garantissant des résultats de qualité.

Pourquoi l’étape de vérification est-elle si importante ?

La roue de Deming et l’amélioration continue

Tout projet devrait théoriquement passer par des itérations en quatre étapes :

  • Préparation et planification du travail à effectuer,
  • Réalisation des tâches prévues,
  • Vérification des résultats, mesure et comparaison avec les prévisions,
  • Correction et prise des décisions qui s’imposent.
  • Et on recommence les quatre étapes précédentes tant que l’objectif final n’a pas été atteint.

L’objectif final, les tâches et le nombre d’itérations dépendent du pilotage du projet – et entre autres, du mode de gestion de projet sélectionné, qu’il soit traditionnel en V ou en cascade, ou agile.

>> Lire aussiContexte du projet

roue de deming

Cette méthodologie a été formalisée et popularisée par William Edwards Deming autour de la logique d’amélioration continue – la fameuse roue de Deming et son P-D-C-A (Plan – Do – Check – Act), et adaptée dans de nombreuses autres méthodologies comme la méthode DMAIC Six Sigma (Define, Measure, Analyze, Improve, Control).

La phase de vérification est essentielle car elle permet, dans la phase suivante, d’évaluer les résultats, d’estimer si l’on se rapproche de l’objectif à atteindre et s’il faut effectuer des actions correctives ou préventives.

Les actions préventives sont basées sur le gain d’expérience, elles évitent que les mêmes erreurs ne se reproduisent indéfiniment (d’où le principe d’amélioration continue prôné par Deming) et qu’on n’atteigne pas l’objectif final.

Les normes qualité : la différence entre vérifier et valider

Vérifier et valider sont des étapes souvent confondues, ou fusionnées en une seule grande tâche « Vérifier et Valider ». Beaucoup pensent que valider consiste à apposer sa signature en bas d’un document ou à faire le « presse-bouton » dans le logiciel de workflow. Eh bien, non…

Voici ce que disent les définitions des normes ISO 90001 et ISO 13485 :

Vérification : Confirmation par des preuves tangibles que les exigences spécifiées ont été satisfaites (ISO 9000:2005 – §3.8.4)

Validation : Confirmation par des preuves tangibles que les exigences pour une utilisation spécifique ou une application prévues ont été satisfaites (ISO 9000:2005 – §3.8.5)

Ne haussez pas les sourcils d’un air perplexe, en fait c’est assez simple à comprendre :

  • Vérifier consiste à s’assurer que les choses sont faites conformément à ce qui avait été défini.
  • Valider consiste à s’assurer que les résultats ont bien été atteints.

Je vous donne un exemple pour illustrer ce propos.

Imaginons que vous soyez Business Analyst dans une équipe composée de trois BA, et vous êtes chargé de la définition d’une partie du système cible – disons, le module comptable (les autres BA étant chargés du module logistique et du module Achats).

>> Lire aussi : Quelles certifications pour devenir Business Analyst?

Vous devez collecter et analyser les exigences, puis décrire les fonctionnalités du futur module, par exemple celles qui sont liées à la gestion du plan comptable, des écritures comptables, ou encore de la gestion de la TVA.

>> Voir aussi[VIDEO] Les techniques de collecte de l’information (Part 1) et [VIDEO] Les techniques de collecte de l’information (Part 2)

La vérification des Spécifications Fonctionnelles Détaillées de la « gestion du plan comptable » consiste à contrôler que les fonctionnalités correspondantes répondront bien aux exigences métier collectées, c’est-à-dire, par exemple, la création, la modification et la suppression de comptes en conformité avec les normes comptables en vigueur dans chacune des filiales.

Le validateur, quant à lui, aura comme objectif de s’assurer que la fonctionnalité « gestion du plan comptable » répond bien à l’objectif du client d’améliorer la rapidité de traitement comptable, en mesurant par exemple le temps passé à créer et maintenir le plan comptable dans la nouvelle solution en comparaison avec l’ancien système. Le validateur ne perd pas de vue l’objectif final du client qui est de réduire ses charges opérationnelles.

Maintenant que vous avez compris l’importance de la phase de vérification, comment faire pour que celle-ci se déroule efficacement ?

Les 5 étapes de la phase de vérification

Quand il s’agit de relire et vérifier des documents, il y a souvent trois cas de figure :

  • Les vérificateurs qui survolent le contenu, soit par manque de temps, soit parce qu’ils ne maîtrisent pas assez le sujet (ou une partie du sujet) qu’on leur demande de contrôler, soit parce qu’ils estiment que c’est le rédacteur (dans notre exemple, le business analyst) qui est le seul vrai responsable de l’exactitude du document, soit encore parce qu’ils ne se sentent pas concernés le contenu.
  • Les vérificateurs qui lisent tout dans les moindres détails, à l’excès, pesant chaque mot et chaque virgule. Il peut s’agir de perfectionnistes, de collaborateurs en recherche de reconnaissance, d’experts qui maîtrisent le sujet sur le bout des ongles, et qui ont peur de passer à côté d’une erreur impactante pour eux, futurs utilisateurs. Ils ont souvent l’impression que tout est de même importance.
  • Et enfin les plus rares, les vérificateurs qui relisent en restant constructifs et qui perçoivent la « big picture » : en général, ils vont lire attentivement les premiers paragraphes du document décrivant le périmètre, les objectifs et le contexte du document, puis qui, lorsqu’ils posent des questions, écoutent attentivement les réponses qui leurs sont faites et répondent par des commentaires étayés.

Pour mettre toutes les chances de votre côté et avoir la chance de travailler avec des vérificateurs de cette troisième catégorie – et ainsi fluidifier la phase de vérification de vos projets, voici les 5 étapes que je vous recommande de suivre.

  1. Identifier et sélectionner les vérificateurs

Ne décidez pas au dernier moment qui va réaliser la relecture de vos documents, cela se planifie soigneusement en amont (l’étape « Plan » de la roue de Deming).

Deux outils peuvent vous aider à faire cela : le registre des contributeurs et le RACI.

Pour compléter le registre des contributeurs, vous devez au préalable définir une stratégie de vérification puis identifier, pour chacun de vos livrables :

  • Vos objectifs
  • Les compétences métier et outils prérequises chez vos vérificateurs,
  • Les contraintes qui pèseront sur le contenu, tant sur le fond que sur la forme : quel sera le niveau de détail du document? Est-ce que le document sera écrit en français ou en anglais ?
  • Les contraintes liées à la stratégie de vérification : temps de relecture approximatif nécessaire, fréquence et planification des étapes de vérification, contraintes d’agenda éventuelles de vos vérificateurs, utilisation ou non d’un outil de GED nécessitant des accès spécifiques, localisation sur site ou à distance des vérificateurs etc.

Le RACI est une matrice à double entrée, qui permet d’indiquer les rôles et responsabilités des acteurs ou intervenants.

Exemple de RACI

Utiliser le RACI pour chacun de vos documents vous aide à identifier plus facilement vos vérificateurs, et à planifier leur intervention tout au long du projet, grâce à l’utilisation combinée du registre des contributeurs.

Une autre astuce pour bien sélectionner vos vérificateurs est de s’assurer que ceux-ci utiliseront l’outil, le processus, le produit ou le service décrits dans les documents à contrôler : un bon vérificateur doit en effet se sentir impliqué personnellement dans le résultat décrit.

Cette première recommandation vous permettra d’éviter de sélectionner des vérificateurs qui n’ont pas les compétences ou la disponibilité opérationnelle requises.

2. Communiquez le plus tôt possible et tout au long du projet

Prévenir les vérificateurs qu’ils ont été « sélectionnés » est une évidence, n’est-ce pas ?

Eh bien, détrompez-vous ! Il y a beaucoup de projets pour lesquels les vérificateurs sont effectivement identifiés mais prévenus simplement le jour J, avec un simple mail leur demandant de relire et commenter les livrables.

Autant vous dire que cela est plutôt mal accueilli, et que vos interlocuteurs, même s’ils y sont favorables sur le fond, ne sont pas franchement ravis de devoir chambouler leur agenda pour vous.

En fonction du projet, il peut être nécessaire de faire intervenir leurs managers, afin de leur dégager de la disponibilité, ou tout simplement de leur montrer que leur hiérarchie reconnaît leur plus-value. Ne sous-estimez pas l’effet de la communication sur les collaborateurs. Tout le monde est en général ravi (plus ou moins ouvertement) d’être considéré comme le référent sur un sujet donné. Néanmoins, si cette reconnaissance n’est pas accompagnée de mesures concrètes, comme une priorisation des tâches opérationnelles, le collaborateur sera vite démotivé par son rôle de vérificateur. Et boum, retour à la catégorie n°1 des vérificateurs qui n’ont pas le temps…

3. Présentez la « grille de lecture » des documents à vérifier

Le moment venu, lorsque vos documents sont presque finalisés, rencontrez vos vérificateurs et présentez-leur les documents à relire.

Cela fait des jours et des semaines voire des mois que vous travaillez dessus, et les descriptions des fonctionnalités et autres modélisations n’ont plus de secret pour vous. Il n’en est pas de même pour vos interlocuteurs, surtout si votre document est épais…

Soyez rassurant, et dîtes leur précisément ce que vous attendez d’eux : type d’information à vérifier, niveau de relecture attendu, et le cas échéant, parties/paragraphes qui les concernent.

N’oubliez pas de leur donner les clés de lecture de vos diagrammes et modélisations. Si vous êtes passé maître dans l’utilisation de l’UML, vos vérificateurs ne sont en général, eux, pas du tout formés à cette syntaxe, et risquent de n’y rien comprendre. Et en général, un vérificateur qui ne comprend pas ne dit rien, de peur d’être perçu comme incompétent, ce qui peut vous faire passer à côté d’erreurs ou incompréhensions impactantes pour le projet.

4. Créez un engagement chez vos vérificateurs

  • Je l’ai déjà dit, mais j’enfonce le clou : un vérificateur efficace l’est d’autant plus qu’il se sent engagé dans la pertinence du contenu qu’il doit vérifier.

Ainsi, lorsque vous communiquez avec vos contributeurs, soulignez de la manière la plus concrète possible ce que l’implémentation technique et opérationnelle du document à relire va apporter dans leur quotidien.

  • Communiquez une date précise de restitution des commentaires, et relancez un peu avant l’échéance pour que le vérificateur, pris par l’urgence, ne bâcle pas sa relecture. Dans le mail de relance, remerciez celles et ceux qui ont déjà rendu leur copie : c’est une méthode qui incite en général les retardataires à se dépêcher (car personne n’aime être le « mouton noir » d’une équipe !).
  • Si le document est complexe et/ou fait intervenir de multiples vérificateurs, planifiez des sessions de Questions / Réponses. Ne croyez pas que les gens viendront spontanément vous voir lorsqu’ils auront des doutes… certains le feront, mais la majorité ne s’exprimera que lors de ces ateliers de travail.
  • En cas de blocage dans le processus de vérification, définissez une action et assignez-là à une seule personne. C’est un phénomène bien connu, quand il y a plusieurs « responsables », personne ne fait rien, chacun pensant que ce sont les autres qui vont agir. Donc : une action égale un et un seul responsable.

5. Remerciez

C’est étrange de devoir le préciser, mais je l’ai constaté à de multiples reprises lorsque les projets sont gérés par des Français : on ne remercie pas, et encore moins en public !

En comparaison, nos amis américains envoient presque systématiquement des emails, avec tous les managers en copie, pour remercier leurs collaborateurs de leur implication ou de leurs succès.

Franchement, les yeux dans les yeux, dîtes-moi : si cela vous est déjà arrivé de recevoir un tel email de remerciement, comment vous sentiez vous ? Reconnu ? Plein d’énergie ? Avec l’envie de vous impliquer au moins autant si ce n’est davantage dans les prochaines étapes du projet ou sur un autre projet ?

En tant que Business Analyst, nos ressources les plus précieuses sont les collaborateurs. Ce sont eux qui détiennent la connaissance et l’expertise métier. Les remercier pour leur implication dans la phase de vérification a deux effets positifs :

  • Valider la pertinence des documents que vous avez écrits, grâce à l’aura d’autorité de vos vérificateurs.
  • Engager les vérificateurs auprès de leurs collègues: ils seront les meilleurs ambassadeurs possibles pour aider à la conduite du changement, car ils se seront approprié la solution cible.
  • Pouvoir compter sur leur participation ultérieure, lorsque vous aurez besoin d’eux, que ce soit sur ce projet ou sur un autre.

Pour conclure…

J’espère que vous êtes à présent conscient de l’importance de la phase de vérification dans le cadre d’un projet, et que vous avez en main une méthode pratique pour la réaliser efficacement.

C’est vrai, ce n’est pas facile et cela nécessite de passer un peu de temps à tout préparer – c’est d’ailleurs sans doute et malheureusement la raison pour laquelle la phase de contrôle est souvent rabotée lorsque les délais du projet dérapent.

Mais cela en vaut largement l’investissement : plus un défaut est constaté tard, plus cela coûte cher à l’entreprise de le corriger, et le découvrir une fois que la solution cible est déployée est infiniment plus coûteux que de mettre toutes les chances de son côté en réalisant une « bonne » phase de vérification.

A votre tour de me raconter vos expériences – à vos commentaires en bas de cet article 😉 !

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Alice Svadchii
Alice Svadchii
Auteure du blog et Business Analyst enthousiaste
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Alice Svadchii

Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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