Aujourd’hui, vous commencez une nouvelle mission. Vous ne connaissez pas l’entreprise cliente, ni son secteur d’activité, ni les produits et services qu’elle commercialise. Mais vous avez de la chance, car votre donneur d’ordre, le CIO de cette société, a décidé de faire les choses en grand pour que la mission aille vite et que « vous rentriez plus vite dans le sujet ».
Pour cela, il vous a réservé LA salle de réunion amphithéâtre (normalement réservée aux séminaires du Groupe) et a convoqué ses 200 collaborateurs pour une matinée de travail complète avec vous.
« Voilà, vous avez tous mes experts réunis dans cette salle, à vous de jouer ! »
Vous vous décomposez intérieurement :
- Par où commencer ?
- Quels sujets aborder ?
- Qui interroger ?
- Comment être sûr de collecter toutes les informations dont vous avez besoin ?
- Comment gérer les interactions entre toutes ces personnes ?
- Comment comprendre leur jargon qui, pour l’instant, ressemble à s’y méprendre à du chinois ?
Rassurez-vous : cette situation idyllique (?) n’existe pas.
Vous aurez rarement (pour ne pas dire jamais), l’ensemble de vos contributeurs réunis, prêts à répondre sagement à tous vos questionnements. En général, ils sont débordés par leurs tâches opérationnelles, et ont peu de temps à vous accorder. Programmer des ateliers de travail réunissant l’ensemble de vos SME (Subject Matter Experts) est une activité plutôt sportive.
Comprendre l’importance des contributeurs d’un projet
Pour éviter la difficulté que représente la collecte de l’information auprès des contributeurs, ou parce que les délais du projet sont très tendus, ou encore pour toute autre (mauvaise) raison – j’ai même rencontré des entreprises qui interdisaient l’accès direct à leurs collaborateurs, pour éviter de leur faire « perdre leur temps » – certain(e)s sont tentés par l’emploi de solutions alternatives. Par exemple, s’imbiber de tonnes de documentation écrite, ou faire un effort d’imagination intense pour se mettre à la place de tous ces collaborateurs qu’ils n’ont pas rencontrés.
Je ne dis pas que c’est mal.
Je dis juste que ces techniques alternatives doivent compléter les informations que seuls les SME (Subject Matter Experts) peuvent vous transmettre, et non pas les remplacer.
>> Voir aussi : [VIDEO] Les techniques de collecte de l’information (Part 1) et [VIDEO] Les techniques de collecte de l’information (Part 2)
En tant que Business Analyst, vous avez la responsabilité de recommander, puis de spécifier, vérifier, valider et aider à la mise en place de la meilleure solution possible, répondant au(x) besoin(s) d’une Organisation.
On ne vous demande pas d’être un expert métier ni IT. Bien sûr, le Business Analyst étant à la croisée des chemins, plus il possède de compétences, plus il sera rapide et pertinent.
>> Lire aussi : Top 5 des compétences-clé d’un Business Analyst
Mais, malgré toutes ses connaissances, il n’est pas le « sachant ». Celui qui sait, c’est le SME, c’est celui ou celle qui effectue les tâches opérationnelles dans le contexte précis de l’Organisation cliente. Un SME, c’est toute personne qui maîtrise un domaine, une activité, un sujet, ou un processus. Cela peut être le comptable, le magasinier, le DRH, l’expert en sécurité aérienne, le législateur, l’expert en normes qualité, le développeur web, le chef de projet IT…
Sans l’apport inestimable de vos contributeurs, vous êtes sûr de :
- Ne pas identifier les besoins métier de manière exhaustive et réaliste
- Ne pas être capable de formuler une recommandation de solution pertinente,
- A fortiori, ne pas savoir la définir correctement
- En bref, de faire échouer votre projet.
>> Lire aussi : Pourquoi 83% des projets informatiques échouent-ils?
Voilà pourquoi il est primordial d’identifier avec pertinence vos contributeurs, et je vais vous expliquer comment faire dans la suite de cet article.
Analyser ses contributeurs : choisir la bonne méthode
Si vous faîtes des recherches sur internet, vous trouverez des informations et des vidéos très « techniques » sur l’analyse des contributeurs, avec du vocabulaire savant, des acronymes et de jolies matrices.
Le hic, selon moi, c’est que ces tutoriels ne vous disent pas vraiment comment trouver vos contributeurs.
Néanmoins, si je me projette dans la réalité du terrain, dans ce que je pratique « dans la vraie vie » depuis des années, ce n’est ainsi que je procède.
Cette vidéo propose quatre étapes :
- Identifier les contributeurs
- Analyser les contributeurs
- Les comprendre en communiquant avec eux
- Les gérer
La première étape serait donc d’identifier ses contributeurs. Or, c’est justement cela, le plus compliqué ! Mettre des noms dans une grille « Pouvoir et Influence / Intérêt » permet de faire de la conduite du changement, mais pas réellement de trouver les contributeurs les plus aptes à nous aider lors de notre collecte d’information. De plus, c’est une activité très chronophage que peu de Business Analysts ont le temps de réaliser durant leur projet.
Je vous propose donc une autre démarche, un peu moins savante mais un peu plus pragmatique, tirée de mon expérience. Et vous verrez, je n’ai pas inventé le feu, j’ai simplement synthétisé ce que je fais de manière logique, et que vous faites sans doute également si vous avez une certaine « séniorité » 😊.
Identifier vos contributeurs : ma démarche « step by step »
Identifiez où vous êtes
Tout d’abord, sachez que votre intervention en tant que Business Analyst peut avoir lieu à n’importe quel moment du cycle de vie d’un projet.
Cela peut être au tout début, lors de l’étape de cadrage, au milieu, au moment de la définition détaillée des exigences de la solution, vers la fin pour tester fonctionnellement la solution ; cela peut être dans le cadre d’un projet géré en V ou en cascade, ou de manière agile.
(Pour connaître les activités du Business Analyst, je vous invite à surfer dans les pages de mon site)
Il vous faut donc au préalable connaître votre positionnement dans la feuille de route du projet. En effet, il est possible / probable que d’autres personnes aient déjà collecté des informations pour réaliser leurs propres activités en amont de votre intervention.
Ces personnes (consultants, chef de projet, commercial, le donneur d’ordre…) sont donc une première source à consulter. Ce sont vos premiers contributeurs, qui vous aideront à capter une première photo de la situation passée et existante.
Identifiez où vous allez
Après cette phase initiale de découverte, vous allez commencer à creuser certains sujets. Mais pas n’importe quoi, ni n’importe comment.
>> Voir aussi : [VIDEO] E02 – Le quotidien d’une Business Analyst : la phase de découverte
A ce stade, vous êtes souvent incapable de démêler ce qui est important et impactant pour votre projet, de ce qui demeure de la pure connaissance générique ou des sujets qui n’ont aucun lien avec vous.
Avant de chercher à collecter des informations plus détaillées, vous devez d’abord être clair quant à l’endroit où vous devez vous rendre.
Les contributeurs dont vous allez chercher les noms dans cette étape sont ceux qui vont pour permettre de comprendre :
- Les besoins métier macroscopiques de l’Organisation cliente pour le projet sur lequel vous intervenez, ainsi que les contraintes externes et internes pesant sur celle-ci.
- Les objectifs du projet
- Les objectifs qui vous sont assignés / les attentes que l’on a à votre égard : spécifications fonctionnelles, cadrage, formation utilisateur, tests fonctionnels… ?
En général, le chef de projet est votre interlocuteur principal. Si votre projet est géré de manière agile, le Product Manager et le Product Owner doivent figurer dans votre liste initiale de contributeurs.
Identifiez les étapes à franchir pour atteindre vos objectifs
Basez-vous sur vos connaissances de la démarche de business analyse pour construire votre road map (feuille de route). Si vous débutez, allez faire un tour sur mon site pour en savoir plus 😉.
Vous aurez ainsi une liste d’étapes claires – ce sont tous vos objectifs intermédiaires qui vous conduiront vers les cibles identifiées dans l’étape précédente. Vous définirez ainsi le type de profils de contributeurs dont vous aurez besoin.
Par exemple, si vous avez planifié une analyse de l’existant des processus métier, vous chercherez à rencontrer des collaborateurs opérationnels déroulant les activités en question.
Si vous devez faire un benchmark (analyse comparative), vous aurez peut-être besoin de contacter des entreprises externes fournissant les produits ou services à comparer. Ce sont aussi des contributeurs.
Si vous avez prévu de faire une analyse d’impact d’une nouvelle réglementation, vos contributeurs peuvent être des experts internes ou externes.
Si vous avez comme objectif d’écrire les spécifications fonctionnelles détaillées ou des user stories, vous chercherez de l’information métier auprès des collaborateurs connaissant le sujet que vous devez spécifier.
Si vous devez rédiger des exigences pour la mise en place d’un outil de Business Intelligence « éditeur », vos contributeurs seront également les experts outils, spécialistes de la solution de BI choisie.
Etc…
Vérifiez la pertinence de vos contributeurs
Bien identifier ses contributeurs est fondamental : posez-vous à chaque fois la question de la pertinence des noms que votre chef de projet ou votre client vous donnent. Sinon, vous risquez de perdre du temps avec la mauvaise personne, ou de collecter des informations non appropriées, ou encore, de passer à côté de renseignements cruciaux.
Mais rassurez-vous tout-de-même : plus vous allez comprendre le métier de l’organisation cliente et son contexte, plus vos questions se feront précises et nombreuses… et vos contributeurs initiaux vous orienteront naturellement vers d’autres SME lorsqu’ils ne sauront pas y répondre.
Compléter le registre des contributeurs
Le registre des contributeurs doit demeurer un outil vivant et dynamique. Au fil de l’eau, vous identifierez avec plus de précision les rôles et responsabilités des uns et des autres, vous ajouterez (voire supprimerez) des noms etc.
Pour chacun de vos contributeurs, identifiez donc soigneusement au minimum leurs rôles et responsabilités, leur localisation géographique, et leur rattachement hiérarchique (ou leur organisation d’appartenance s’ils sont extérieurs à votre entreprise cliente).
En effet, ces critères influencent énormément le choix de techniques d’élicitation (collecte d’une information exhaustive, fiable et vérifiée) ainsi que la planification et l’organisation de vos ateliers de travail… et donc la qualité des résultats de votre analyse métier ;).
Pour conclure
A présent, vous savez l’importance cruciale d’une bonne sélection des contributeurs en analyse métier. Vous savez également quelles sont les étapes à suivre pour les identifier de manière itérative et incrémentale, et vous avez mis toutes les chances de votre côté pour collecter une information exhaustive, fiable et vérifiée.
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