Comment optimiser une séance de recueil des besoins

L’une des préoccupations majeures quand on est Business Analyst est de réaliser un recueil de besoins basé sur des informations exhaustives et fiables. Or, il ne suffit pas d’être extraverti et bon communicant pour réussir ce délicat exercice. Si recueillir des besoins existants et exprimés est à la portée de beaucoup de monde, collecter des besoins non connus, futurs, inconscients, cachés ou non exprimés est nettement plus ardu. Heureusement, avec un peu de technique et beaucoup de préparation, la réussite de la séance d’élicitation est au bout du chemin…

La business analyse au cœur du changement

L’analyse métier est une discipline qui intervient dès lors qu’une organisation souhaite ou est contrainte d’évoluer afin de s’adapter à un changement. Les activités de la business analyse permettent d’analyser le contexte, les contraintes, les risques, puis de recommander la meilleure solution possible ainsi que ses alternatives. Enfin, une fois la décision prise par l’organisation de lancer le projet de changement, la business analyse va le définir précisément, tester la solution cible, aider à son implémentation et enfin contribuer à son amélioration continue.

Les changements déclenchant le recours à l’analyse métier sont infinis, depuis le lancement d’un projet de systèmes d’information (80% des besoins en business analyse), en passant par le lancement d’une nouvelle offre, la mise aux normes, le respect d’une nouvelle réglementation (RGPD…), l’adaptation à de nouvelles contraintes géopolitiques et commerciales, une crise sanitaire internationale comme celle du Covid-19, une croissance externe, une nouvelle vision stratégique de l’équipe dirigeante etc.

L’importance du recueil de l’information et la notion d’élicitation

L’information est donc le prérequis incontournable à toutes les activités de l’analyse métier.

Plutôt que de parler de recueil de besoins ou recueil de l’information, je préfère utiliser la notion d’élicitation qui est moins ambiguë.

Le terme d’élicitation a été introduit par l’IIBA® dans son corpus de connaissances le BABOK® (Business Analysis Body Of Knowledge). En effet, éliciter n’est pas simplement le fait de lister des informations collectées auprès des contributeurs – c’est d’ailleurs là souvent une erreur que font les Business Analysts débutants.

L’élicitation est donc l’activité qui permet de recueillir une information exhaustive, fiable, vérifiée et consensuelle auprès des contributeurs de votre projet

Notez par ailleurs que l’IREB, qui est le schéma de certification dédié à l’ingénierie des exigences, appelle cette activité « élucidation » et non pas élicitation, mais il s’agit bien de la même chose.


Éliciter pour construire une solution sur-mesure 

Le business analyst élicite pour recueillir les besoins métiers, préparer ses analyses, décrire les fonctionnalités logicielles, préparer la conduite du changement, recommander des solutions, préparer la stratégie de test fonctionnel … Cette activité est continue, incrémentale et itérative, et peut être menée à tout moment du cycle de vie d’un projet ou d’une solution.

>> Lire aussi: Comment se poser les bonnes questions : le mind mapping

De nombreuses techniques permettent de recueillir les exigences métier et celles de la solution : l’atelier de travail, l’interview, les séances de brainstorming, le design thinking, l’analyse des interfaces, le prototypage, les sondages, les jeux collaboratifs et bien d’autres.

Chacune de ces techniques a ses avantages et ses inconvénients, et c’est au business analyst de choisir celle qui sera la plus appropriée à son objectif.

>> Voir aussi: [VIDEO] Les techniques de collecte de l’information (Part 1)

Dans la suite de cet article, je vais parler spécifiquement des ateliers de travail et des interviews, qui font partie des techniques les plus connues et pratiquées par le Business Analyst.


Planifier sa séance d’élicitation

Si certaines techniques d’élicitation nécessitent peu de préparation, ce n’est pas le cas des workshops et autres interviews.

Pour les planifier, il y a plusieurs étapes et critères à prendre en compte.

Se fixer un objectif précis

Tout d’abord, il est indispensable de se fixer un objectif précis – et pas simplement se dire qu’on va discuter avec ses contributeurs pendant une heure. Cet objectif dépend de nombreux facteurs, comme votre mandat spécifique en tant que BA dans le cadre du projet ou de la mission qui vous a été confiée, des contraintes de vos contributeurs, de celles de l’organisation cliente, de la phase du cycle de vie de la solution ou du projet durant laquelle vous voulez recueillir l’information, du type d’informations qui vous intéresse, etc.

>> Lire aussi : 5 étapes pour identifier les contributeurs d’un projet

Bien identifier les contributeurs

Une autre étape de la préparation de vos séances d’élicitation est l’identification précise des contributeurs et de leurs contraintes personnelles et professionnelles, telles que:

  • Les contraintes géographiques : où sont localisés vos contributeurs? Peuvent-ils se déplacer facilement pour assister à l’atelier de travail ou devrez-vous vous déplacer pour les rencontrer?
  • La langue : parlent-ils tous la même langue ? Votre langue natale ? Ou encore l’anglais ?
  • La disponibilité : connaissez-vous les périodes pendant lesquelles vos contributeurs sont moins ou pas du tout disponibles, en raison par exemple de leur charge opérationnelle, de leurs congés, ou d’une évolution de poste prévue ?
  • Le rattachement hiérarchique : aurez-vous besoin de demander à leur supérieur hiérarchique un aménagement d’agenda ou un budget pour qu’ils puissent être sollicités ?
  • Le profil professionnel de vos contributeurs : est-ce que ce sont des collaborateurs salariés, si oui est-ce plutôt des managers, des employés sédentaires ou itinérants ? Ou alors est-ce que vous serez plutôt amené à solliciter des parties prenantes externe à l’entreprise (fournisseurs, clients, administrations…) ?


Choisir une technique d’élicitation

Une autre étape de votre planification consiste à identifier soigneusement la technique d’élicitation que vous utiliserez. Parfois, vous ferez appel à la créativité de vos contributeurs pour réfléchir à de nouvelles fonctionnalités, et le brainstorming ou la démarche de design thinking seront particulièrement adaptés.

>> Voir aussi: [VIDEO] E05 – Le Quotidien d’une BA : l’atelier de Design Thinking

Dans d’autres cas, il s’agira de recueillir des informations sur les processus métier, et vous préférerez faire de l’observation du poste de travail ou recourir à des interviews.

Sans doute également que les contraintes géographiques, de disponibilité ou de langues seront des obstacles à l’organisation de workshops regroupant tous les contributeurs en un seul lieu, et que vous devrez faire des compromis avec l’usage d’autres techniques.

  • Un Business Analyst doit bien avoir en tête les avantages et inconvénients pour chacune d’entre elles. Il soit savoir mesurer à quel moment il est important de recueillir la communication non verbale, tandis qu’à d’autres, il est juste amené à valider des besoins déjà exprimés.

L’élicitation peut aussi s’improviser pour répondre à des questions ponctuelles – par exemple vous relisez vos notes et vous ne comprenez pas tout, ou alors il vous semble qu’il y a des “trous dans la raquette”. Un coup de fil rapide ou une visite au bureau de votre « focal point » peuvent parfois largement suffire.

Personnellement, j’ai souvent élicité de manière non intentionnelle juste parce que, ayant un bon contact avec mes SME (“Subject Matter Expert”), j’apprenais des informations importantes autour de la machine à café (la fameuse !) ou en déjeunant avec eux le midi.

Néanmoins, il est vivement recommandé de planifier soigneusement son élicitation, pour sécuriser le recueil d’une information exhaustive, fiable, consensuelle, et vérifiée.


Quelles questions poser pendant une séance d’élicitation ?

C’est LA question que me posent la plupart des Business Analysts débutants.

Tout d’abord, cela dépend de la technique d’élicitation choisie. Le brainstorming par exemple, laisse au Business Analyst la place de facilitateur. Il doit s’effacer quand la dynamique du groupe est lancée, tout en s’assurant que les contributeurs ne s’éloignent pas de l’objectif de créativité prévu.

>> Voir aussi: [VIDEO] Les techniques de collecte de l’information (Part 2)

En workshop en revanche, le cadre de travail est structuré. Chaque étape de l’atelier de travail est pensée pour amener progressivement le groupe vers la résolution d’une problématique précise.

Le Business Analyst se fait communicant, leader, présentateur, facilitateur, il sait synthétiser, reformuler, et gérer le temps pour obtenir les réponses et résultats attendus.

En ce qui concerne les questions, les séances d’élicitation du type workshop et interview font souvent appel à des questions ouvertes : pourquoi, comment, quoi, décrivez-moi, dites-moi, que pensez-vous de telle chose etc… sont des moyens efficaces pour recueillir des informations qualitatives et exhaustives.

Si l’objectif de votre élicitation vous fait poser beaucoup de questions fermées, il est probable que d’autres techniques auraient été plus appropriées. Par exemple, celle des sondages et questionnaires.

La reformulation et la synthèse permettent ensuite de valider votre compréhension, et de compléter les « trous dans la raquette ».


7 erreurs classiques à éviter

Pour optimiser les résultats de vos ateliers de travail et interviews, je vous conseille également d’être vigilant pour ne pas commettre ces 7 erreurs classiques :

  • Prendre en note tout ce que disent vos contributeurs sans vérifier, ni chercher le consensus en cas de besoins exprimés contradictoires ;
  • Ne pas oser montrer son incompréhension parce que tout le monde a l’air de savoir (sauf soi-même). Si vous ne comprenez plus la conversation, c’est qu’il y a justement des informations à recueillir ! Ne faîtes pas semblant de tout maîtriser, n’ayez pas peur de demander des éclaircissements. Et si un point semble compliqué et trop obscur, prévoyez une séance spécifique pour en parler.
  • Dans les ateliers réunissant plusieurs personnes, n’échanger qu’avec les contributeurs qui participent à la conversation et « oublier » les timides / les introvertis.
  • Anticiper les réponses de vos contributeurs / leur couper la parole, en pensant que vous connaissez déjà tout cela.
  • Manquer d’implication, d’empathie, être « consultant » non impliqué dans le quotidien des SME. Plus on a de contacts amicaux, plus on collecte des informations précieuses, en qualité et en quantité
  • Et enfin, poser surtout des questions fermées au détriment des questions ouvertes mentionnées ci-dessus. Votre mot favori doit être : Pourquoi ? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? 🙂

>> Lire aussi: Les 8 bonnes pratiques pour identifier à coup sûr la (vraie) cause d’un problème

Vous avez à présent suffisamment d’informations pour vous lancer dans votre première séance d’élicitation et obtenir des résultats de qualité. A vos commentaires pour partager vos retours d’expérience 😉

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Alice Svadchii
Alice Svadchii
Auteure du blog et Business Analyst enthousiaste
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Alice Svadchii

Formatrice, coach, conférencière et productrice de contenus enthousiaste !

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